Drive | 20 Sep 2018

De +50 °C à -35 °C

Développement en conditions extrêmes

TEXTE : JAN WILMS / PHOTOS: TIM ADLER, JENS RÜSSMANN

Les équipes de Mercedes-Benz travaillent assidûment à la construction de modèles entièrement électriques. Les véhicules d’essai passent actuellement les programmes de tests de Daimler. Rencontre avec les développeurs, entre semi-désert et cercle polaire.

Laponie, à quelques kilomètres au sud du cercle polaire, – 35°C. Une couche généreuse de neige fraîche et immaculée recouvre le sol. Avoir de la neige jusqu’aux genoux, on n’avait plus vu ça depuis longtemps, même dans le nord de la Suède. C’est en tout cas ce qu’affirme Johnny, qui prépare les pistes de test avec son chasse-neige à Arjeplog. Les conditions sont idéales pour un des tests hivernaux les plus rudes de l’histoire du département Développement de Daimler.

Une gamme exclusivement électrique

Les modèles testés sont des véhicules totalement électriques, qui préfigurent la mobilité du futur chez Mercedes-Benz. Les ingénieurs et les développeurs travaillent encore avec des véhicules d’essai pour l’instant. Ces derniers sont équipés de deux moteurs électriques et d’une transmission intégrale pour une performance d’environ 300 kW (400 ch) et une autonomie visée de 400 km d’après les normes de consommation WLTP.

Si tous les modèles Mercedes-Benz suivent ce programme de tests, les batteries lithium-ion, les moteurs électriques et les composants de commande de la gamme EQ font l’objet d’analyses supplémentaires. Un vrai challenge. Notamment en raison de l’impact de la météo.

 

Résistance au froid polaire

L’ingénieur Michael Kelz dirige le programme international de tests. Il vient de réaliser quelques tours avec un véhicule d’essai sur le lac de glace. C’est la dernière journée de tests au cercle polaire, le travail effectué au cours des derniers mois est lui aussi mis sur le banc d’essai.

 

Son bilan : « Le moteur reste extrêmement performant, même dans les conditions les plus difficiles. Les accélérations sont fulgurantes et la traction est exceptionnelle grâce à la transmission intégrale », sourit l’ingénieur, manifestement très satisfait.

Cette conclusion est sans doute la plus importante. La batterie et le moteur électrique ont fonctionné de manière fiable malgré le froid polaire, ce qui est un des critères décisifs pour les voitures électriques. En effet, la zone de confort d’une batterie est similaire à celle de l’être humain : tous deux fonctionnent de manière optimale entre 0 et 35°C. En deçà et au-delà de cette fourchette, les liquides ont plus de mal à circuler et la régulation de la température demande beaucoup plus d’énergie.

 

«Le défi consistait à transposer cette puissance en traction. Nos ingénieurs ont fait un excellent travail.»

MICHAEL KELZ, INGÉNIEUR EN CHEF

Quatre ans de tests

Pour le développement des voitures électriques, près de quatre ans ont été consacrés exclusivement aux tests. Plusieurs millions de kilomètres de routes et de pistes d’essai ont ainsi été parcourus. Le programme réalisé en Suède illustre bien le travail effectué : des lacs de glace pour d’innombrables tours à un niveau de dynamique maximum, des routes accidentées et impitoyables pour paramétrer à la perfection le train de roulement. À cela s’ajoutent des trajets à la campagne, pendant lesquels le véhicule est soumis à une charge continue. D’ici à la mise sur le marché, environ 200 véhicules expérimentaux et prototypes auront été construits. Lors de la phase finale, un nouvel exemplaire sera produit chaque jour.

 

Comme prévu

« Ces tests sont hautement confidentiels », confie Michael Kelz. Comme les photographes des magazines spécialisés se cachent souvent entre les pins avec leurs téléobjectifs, le véhicule d’essai est camouflé par un film zébré. Afin de ne pas révéler trop tôt ses courbes et ses lignes élégantes, des pièces de tôle légère sont fixées au capot et sur les côtés. L’objectif des tests est uniquement d’obtenir des valeurs, par exemple le réglage de la suspension, des amortisseurs et du logiciel de programmes de conduite, ainsi que la gestion de l’énergie. Mais aussi la courbe caractéristique de la récupération d’énergie, qui semble se produire presque comme par magie au moment du freinage. Après quatre mois glaciaux, Michael Kelz constate : « Tout se déroule comme prévu, mais nous avons encore du pain sur la planche. »

 

Tout feu, tout flamme

Six mois plus tard, nous retrouvons les ingénieurs et leurs véhicules d’essai dans le sud de l’Espagne, à Tabernas. Par 50 °C et sous un soleil de plomb. Un changement marquant qui ne se résume pas à la température, mais aussi à l’humeur des ingénieurs !

« Toutes les faiblesses identifiées en Suède ont pu être rectifiées avec succès », se félicite Michael Kelz. Encore une nouveauté : pour la première fois, les voitures d’essai ont été fabriquées avec les pièces originales des fournisseurs qui approvisionneront l’usine de Mercedes-Benz à Brême pour la construction des voitures électriques. Les variations de températures à Tabernas sont très fortes, ce qui représente une contrainte énorme pour les matériaux. Les pistes malmènent davantage les voitures que ne pourront le faire plus tard les conducteurs les plus aventuriers. Ici, chaque bruit, chaque mouvement des joints, ne serait-ce que d’un quart de millimètre, est analysé… et rectifié.

 

Un moteur fascinant

« C’est le moment de vérité », annonce Michael Kelz, alors que la voiture s’engage sur une longue ligne droite. Il appuie sur l’accélérateur. Le véhicule atteint les 100 km/heure en 5 secondes, une performance comparable à celle d’un CLS au moteur puissant. « La voiture électrique développe un couple énorme », explique Michael Kelz au sujet de cet impressionnant déploiement de force. « Le défi consistait à transposer cette puissance en traction. Nos ingénieurs ont fait un excellent travail. » Mais ces derniers n’en ont pas encore fini, ils se préparent en effet à des tests de chaleur encore plus sévères, en Afrique et en Arizona par plus de 50°C.

« C’est ainsi que naîtra une Mercedes emblématique. Avec les possibilités que seule une voiture électrique peut offrir. » Par exemple un centre de gravité parfaitement équilibré grâce à la batterie plate. Un moteur qui ne produit ni vibration, ni bruit, ni émissions locales, même à charge maximale, et qui fascine par son confort de conduite exceptionnel.

 

La marque EQ en constant développement

Mercedes-Benz est sous les feux des projecteurs dès qu’une nouvelle voiture électrique est présentée. Du moins depuis 2016, quand Dieter Zetsche, directeur général de Daimler, a lancé le Concept EQ à Paris. La marque EQ n’a cessé de se développer. Un engagement est prévu pour 2019 en Formule E et dix modèles entièrement électriques devraient être mis sur le marché d’ici à 2022. « Le passage à l’électrique va faire évoluer l’ensemble du groupe », estime Michael Kelz. Peu de personnes ayant des connaissances aussi détaillées quant à la complexité de l’architecture d’une batterie peuvent s’avancer ainsi…