She's | 21 Sep 2021

Mehret Mandefro, médecin devenue réalisatrice engagée

Le parcours hors nome de la créatrice de la « médecine visuelle »

TEXTE : CAROLINE WHITELEY // PHOTO : D.R.

Comment faire lorsque le destin, des personnes ou des doutes nous freinent ? Mehret Mandefro a dû y faire face. Mais elle a réussi à transformer ces obstacles en motivations. Constatant qu’elle touchait plus de monde avec ses films qu’avec sa recherche médicale, elle a décidé de combiner les deux… pour une société plus juste.

« En toute honnêteté, je ne pense pas que tu y arriveras. » C’est ce qu’a dit à Mehret Mandefro un collègue à qui elle avait demandé conseil pour obtenir une bourse de cinéma prestigieuse. À l’époque, celle-ci était sollicitée par très peu de candidats avec ses qualifications – elle était diplômée en médecine et en anthropologie de Harvard… Cet épisode est repris dans All of Us, son documentaire de 2008, qui était la première concrétisation de son désir de porter à l’écran des thèmes sociaux, tel que le rôle du racisme et de la pauvreté dans la propagation du VIH. Non seulement Mehret a décroché la bourse, mais son premier film lui a en plus ouvert la voie pour communiquer au public de cinéphiles la « médecine visuelle », comme elle appelle ses récits particuliers.

 

Contribuer à une société plus juste

Ce n’est pas tous les jours qu’on décide d’abandonner une carrière académique pour se concentrer sur un métier créatif. Mais Mehret Mandefro combine les deux. Se servant des connaissances de sa formation interdisciplinaire, elle crée des récits captivants pour contribuer à une société plus juste. Aujourd’hui, la réalisatrice américano-éthiopienne décrit All of Us comme un déclic. Elle a compris que les expériences que les gens partageaient avec elle étaient trop importantes pour n’être entendues que par une poignée de personnes. « Contrairement aux articles dans les revues scientifiques, les films permettent de vraiment s’adresser au grand public. »

C’est une chose de porter à l’écran des sujets sociaux d’actualité ; c’en est une autre d’en faire des films récompensés comme Un nom pour un autre (adapté du roman éponyme de Jhumpa Lahiri, lauréate du prix Pulitzer). Mehret Mandefro, qui a grandi aux États-Unis, explique que la transmission de récits est au cœur de la diaspora africaine : « J’adorais écouter les récits traditionnels de ma famille. » Cela lui permettait d’imaginer un lieu avec lequel elle avait un lien, mais où elle n’était encore jamais allée.

Savoir accepter le changement

Il y a cinq ans, elle est partie explorer ses racines. Désormais, elle partage son temps entre New York, où elle dirige sa société de production Truth Aid, et Addis Abeba, où elle travaille entre autres comme productrice exécutive et directrice de l’impact social pour la chaîne de télévision Kana TV. Elle est cofondatrice de Ethiopia Creates, une organisation multidisciplinaire qui s’engage en faveur du renforcement de l’économie créative en Éthiopie.

Accepter le changement est un thème central pour Merhet Mandefro. « Quand on reste ouvert, la vie devient un lieu libérateur. On commence à découvrir des choses sur soi au lieu de s’accrocher à ce que les autres attendent de vous. » Et si Mehret maîtrise si bien les défis qu’elle rencontre en terre inconnue, c’est notamment grâce au soutien sans faille de ses collaborateurs, et en particulier sa partenaire de production Lacey Schwartz Delgado et Alicia Keys. Entourées d’autres créatifs, elles ont produit ensemble le documentaire How it feels to be free, consacré aux femmes noires dans le secteur du divertissement et nominé pour un Emmy Award. « Je crois fermement qu’il faut s’unir à des amis et à des personnes qui pensent comme nous, car avec eux, on peut déplacer des montagnes. »

 

Découvrez également comment Hayley Arceneaux, future astronaute après un cancer, a trouvé sa voie.