She's | 15 Jun 2020

L’experte en finance Lauren Simmons

Une extraordinaire ascension à Wall Street

TEXTE : SILVIA IHRING // PHOTOS : IDA JOHN, PHOTO UTILISÉE AVEC L’AUTORISATION DE NYSE GROUP, INC. © 2020 NYSE GROUP, INC.

Sans aucune expérience dans le monde de la finance, Lauren Simmons a postulé un job de trader à la bourse de New York. Elle l’a décroché et a appris à aimer un secteur qui en rebute plus d’un. Aujourd’hui, en tant que conférencière, elle encourage les femmes à s’intéresser davantage à l’argent.

Lauren Simmons se moque des stéréotypes. Après tout, elle en a démenti un. En tant que jeune afro-américaine portée sur les vêtements bigarrés, elle ne correspond en rien au cliché des experts de la finance en costume cravate et attaché-case à la main. Pendant deux ans, de 2017 à la fin 2018, elle fut la seule femme trader au New York Stock Exchange (NYSE). À 22 ans, elle était la plus jeune femme et la deuxième Afro-américaine de l’histoire de Wall Street. Lauren Simmons, qui a aujourd’hui 25 ans, a dû lutter de toutes ses forces pour gagner le respect de son secteur, car elle ne disposait d’aucune expérience dans le domaine de la finance.

Cette Américaine obstinée avait envoyé une candidature à plus de 100 sociétés avant de décrocher un poste de trader dans l’entreprise Rosenblatt Securities. Depuis, Lauren Simmons a quitté la bourse et travaille comme conférencière et experte en finance, encourageant les femmes du monde entier à s’intéresser à l’argent et à trouver l’emploi de leurs rêves.

 

Qu’est-ce qui vous fascine tant dans la finance ?

LAUREN SIMMONS : À l’origine, j’ai étudié la génétique et la statistique, mais je trouvais que ces domaines n’étaient pas assez avancés sur le plan technologique. J’adore les chiffres ; donc après mes études, j’étais ouverte à tout ce qui touchait à la finance. L’argent constitue le fondement de tant de choses, que ce soit dans la vie ou dans les affaires. Voilà pourquoi il ne faut pas en avoir peur. Si on s’y connaît en finance et qu’on sait gérer son argent avec assurance, on est en position de force. Le capital nous rend indépendant, il faut dès lors s’intéresser à ce sujet.

 

Lorsque vous avez postulé en 2017 pour devenir trader, vous n’aviez pas d’expérience en matière de titres financiers. Ne manquiez-vous pas d’assurance au début ?

LAUREN SIMMONS : Bien sûr. Je me mettais la pression, je voulais absorber toutes les informations et tirer des leçons de toutes les critiques. Le matin, à 5 h 30, j’étais devant mon ordinateur pour effectuer toutes les recherches possibles avant que la bourse n’ouvre à 9 h 30. Depuis, j’ai appris qu’il ne fallait pas faire comme si on savait tout. Poser des questions est légitime et important.

 

Comment apprendre à gérer l’argent quand on est totalement étranger au monde de la finance ?

LAUREN SIMMONS : Je recommande de surfer sur Internet et d’effectuer des recherches. Écoutez des podcasts, regardez des vidéos YouTube, lisez des livres. J’ai acquis toutes mes connaissances sur le parquet de la Bourse, via des plates-formes telles que CNBC et sur le site Web Marketwatch consacré à la bourse, ou grâce aux informations que les traders reçoivent en interne. L’avantage de notre époque est que nous avons accès à toutes sortes d’informations.

Vous êtes tout de suite passée de 0 à 100 kilomètres à l’heure. C’était très courageux...

LAUREN SIMMONS : Tellement de gens doutaient de moi. Mais c’est moi qui me connais le mieux. Et quand on se fait confiance, tout est possible. Un risque élevé cache un rendement élevé, comme on dit dans la finance. Le plus grand risque que j’ai pris dans ma vie fut de quitter la Géorgie pour New York sans perspective professionnelle. J’ai écrit à plus de 100 personnes sur LinkedIn et je n’ai reçu que des refus à cause de mon manque de connaissances en finance, mais aussi parce que je n’étais pas diplômée d’une université de l’Ivy League.

 

Pourquoi si peu de femmes osent-elles entrer dans le monde de la finance ?

LAUREN SIMMONS : Très peu de femmes postulent un emploi de trader au New York Stock Exchange. Ceux qui travaillent sur le parquet sont clairement du type « alpha », dominant. Cette mentalité en dissuade plus d’une.

 

Aviez-vous l’impression de devoir changer pour pouvoir vous imposer sur le parquet ?

LAUREN SIMMONS : J’ai eu l’habitude d’être entourée d’hommes. Dès le lycée, je suivais des cours de technique du bâtiment, et j’ai toujours fait partie de la minorité féminine. On peut faire les choses à sa façon et tout de même avoir du succès. Il n’existe pas une seule bonne voie. Je ne voulais pas imiter les comportements masculins, je ne voulais pas sembler froide. Lorsque j’ai commencé à mon poste de trader, j’étais charmante, je faisais des blagues, bref, je suis restée moi-même. Pour l’instant, cette stratégie a toujours fonctionné.

Comment la génération Y peut-elle se défaire des stéréotypes liés aux femmes et aux hommes dans le monde du travail ?

LAUREN SIMMONS : Les jeunes femmes, mais aussi les jeunes hommes, tiennent de moins en moins compte des codes et règles établies. Ils et elles se rendent compte qu’ils ont le pouvoir de changer les choses à leur façon. Nous n’attendons pas qu’on nous serve des opportunités sur un plateau, nous les créons nous-mêmes.

 

D’où vous vient votre sang-froid ?

LAUREN SIMMONS : De ma mère. Elle a toujours gardé la tête haute. Elle était mère célibataire, mais elle a pris des risques et m’a appris à ne me laisser intimider par personne. C’était super de lui raconter que j’étais la seule femme au New York Stock Exchange. Mais j’étais loin d’imaginer que mon histoire pourrait inspirer d’autres personnes.