Imagine | 17 Dec 2019

Jérôme Bocuse

La passion de la cuisine et des voitures en héritage

TEXTE : OLIVIER BAUER // PHOTOS : GILLES LEIMDORFER

Installé aux États-Unis depuis de nombreuses années, il est le garant du nom le plus célèbre de la gastronomie française. À l’heure d’ouvrir une nouvelle brasserie au sein de l’Hôtel du Louvre à Paris, Jérôme Bocuse évoque les passions partagées avec son père pour la cuisine… et les voitures.

Fils d’une icône de la gastronomie, Jérôme Bocuse évoque avec pudeur son père décédé en 2018 qu’il nomme toujours par son prénom : « Paul partait tous les matins très tôt pour arriver avant tout le monde au marché. Quand j’étais gamin, je le croisais après le marché, il venait aussi me chercher à l’école avant le service du soir. Mais on mangeait rarement ensemble… vous savez, les chefs mangent souvent très vite ! »

Tel père, tel fils

Élu « Cuisinier du siècle » par Gault&Millau, Paul Bocuse a révolutionné la gastronomie française. Privilégiant déjà les produits de saison, il cultivait ses légumes dans son jardin et refusait le gaspillage. « Paul était un précurseur, rappelle son fils. Il a été l’un des premiers chefs à ouvrir un restaurant au Japon, et à partir avec sa toque et son col bleu-blanc-rouge faire la promotion de la gastronomie française aux États-Unis. » À 20 ans, Jérôme s’envole à son tour pour les États-Unis afin de s’affranchir de l’ombre tutélaire de ce chef si imposant. Il veut se former à une autre école, loin des étoiles. « Et puis deux Bocuse dans la même pièce, ça pouvait être un peu compliqué, confesse-t-il. On a chacun notre caractère… »

En Amérique, le jeune homme suit une formation à la Culinary Institute of America puis un MBA en management d’hôtellerie à l’Université de Floride. Il commence alors à travailler dans la restauration dans l’univers Disney « … Plus de vingt ans plus tard, j’y assure toujours 1 500 couverts par jour ! » Installé en famille à Orlando, Jérôme a appris à jouer avec les décalages horaires entre la Floride et la France. « Je vis aujourd’hui entre les deux cultures. J’ai privilégié le développement et le commerce à la vie en cuisine. Mais je n’oublie pas que tout part des produits et des fourneaux… »

Garant de l’héritage culinaire

Car si l’héritier s’est éloigné de l’adresse historique de Collonges-au-Mont d’Or, il en reste le garant du nom.

En parallèle du restaurant gastronomique, Bocuse est depuis des années associé à l’univers des brasseries. Mais la marque n’avait jusqu’alors jamais créé d’enseigne à son nom dans la capitale française. Un pari finalement lancé en 2019. « Paris ? », s’amuse le Lyonnais en regardant passer les touristes devant les grandes vitres de la brasserie, « Bocuse était déjà là puisqu’il est au musée Grévin, en cire… » Avant de poursuivre : « Paris reste la vitrine de la France. C’est important d’avoir un petit bout de Bocuse ici pour donner envie de découvrir sa cuisine et sa ville de Lyon. »

On retrouve ainsi dans la brasserie de l’Hôtel du Louvre ce qui a fait le succès des brasseries Est, Ouest, Sud et Nord, toutes situées à Lyon. Élaborée par Eric Pansu, Meilleur Ouvrier de France 1996, la carte parisienne reprend l’esprit et les recettes « maison » : saucisson chaud pistaché en brioche, quenelle de brochet avec sa sauce Nantua, poulet de Bresse Miéral à la crème et aux champignons, gaufres « Grand-Mère »…

La passion des voitures

Paul Bocuse était un amoureux de la marque Mercedes-Benz. Au milieu des années 80, le grand chef dénotait dans les rues du vieux Lyon avec sa Classe G 400 cdi. « Avec sa voiture, il était facile de le repérer dans la ville… » Il y a quelques semaines, son 4×4 (1985) et sa belle 500 SEL (2001) ont d’ailleurs fait partie d’une vente aux enchères organisée au profit de la Fondation Paul Bocuse afin de récolter des fonds pour valoriser les métiers de la gastronomie. Et la Classe G a été achetée par son ancien boucher…

Comme son père, Jérôme aime conduire. Plus jeune, le jeune quinqua a piloté sur circuit et parle avec émotion de ses tours à Daytona. Une passion qu’il partage aujourd’hui avec son fils de onze ans. « Il s’appelle Paul comme mon père et pratique de manière assidue le kart. » Depuis la Floride où il vit, le champion en herbe enchaine les courses. « Il a son coach, son équipe. J’ai fait l’acquisition d’un camping-car, la famille est souvent sur la route le week-end. Mais c’est du temps passé ensemble à partager une même passion, ajoute-t-il. Ces moments-là sont si précieux. Je n’ai pas eu cette chance car mon père était rarement présent. Alors, peut-être que je rattrape le temps perdu. » De la cuisine aux circuits automobiles…