Imagine | 28 Sep 2021

De nouvelles possibilités artistiques

Anika Meier, experte en crypto art, explique le phénomène NFT

TEXTE : HENDRIK LAKEBERG // PHOTO : MERCEDES-BENZ AG

Il y a un an encore, personne n’aurait imaginé que le monde entier se tournerait tout à coup vers le crypto art, une nouvelle conception de l’art qui marie production et exposition numériques. Ou encore que les crypto-artistes deviendraient subitement aussi connus et chers que Jeff Koons ou Damien Hirst. D’ailleurs, le monde du commerce d’art ne s’est toujours pas fait à l’émergence des places de marché sur Internet, qui concurrencent les galeries et les maisons de ventes aux enchères traditionnelles.

Le sigle NFT (non-fungible token ou « jeton non fongible ») est synonyme d’un bouleversement sans précédent dans le domaine de l’art. Le NFT est sauvegardé sur la blockchain, et contre une commission, les artistes peuvent enregistrer des œuvres d’art et les associer à un token spécifique. Une sorte de jeton qui confirme son caractère unique. Ainsi, dans le monde numérique aussi, il existe un original numérique infalsifiable. Que cela signifie-t-il pour le marché ? L’art numérique peut désormais être collectionné, à l’instar des peintures et des sculptures.

La révolution des enchères en ligne

Les NFT sont également vendus sur les places de marché appelées Nifty Gateway, SuperRare et Foundation, accessibles à toute personne qui s’inscrit. Elles fonctionnent comme eBay : l’œuvre revient au plus offrant. L’achat se fait en un clic. Si ce système peut sembler peu spectaculaire, il change tout pour les artistes, et constitue un défi pour le secteur du marché de l’art. En effet, les créateurs peuvent désormais présenter leurs travaux directement aux personnes intéressées. En théorie, plus besoin de galerie pour faire le lien entre les créateurs et les collectionneurs.

Contrairement aux galeries, qui sont limitées par leur emplacement physique, ces plates-formes permettent aux artistes d’immédiatement accéder à un public international. Tout cela entraîne une nouvelle démocratisation de l’art – du moins, dans une certaine mesure. Car les grandes places de marché telles que Nifty Gateway et SuperRare sélectionnent leurs artistes. Au bout du compte, cela signifie que de nouveaux venus contrôlent l’accès. Ceux-ci ne viennent toutefois pas du monde de l’art ; ils établissent leurs propres critères et acceptent beaucoup plus d’artistes que ne le ferait une galerie.

De plus, dans ce nouveau système, les créateurs sont tout à la fois les créatifs, les chargés de relations publiques et les distributeurs. Rien à voir avec la représentation par une galerie, qui prend tout aux artistes, hormis leur art. En théorie, pour entamer une carrière d’artiste, il suffit d’accéder à une place de marché pour crypto art et d’avoir de bonnes idées. Les enchères sont diffusées sur les réseaux sociaux tels qu’Instagram et Twitter.

Une nouvelle génération d’artistes

Beeple, artiste NFT à succès, a par exemple plus de deux millions de followers sur Instagram, et ainsi autant d’acheteurs potentiels. Les crypto-artistes tels que Johanna Jaskowska, Serwah Attafuah ou encore Krista Kim ont connu la célébrité grâce aux réseaux sociaux et échangent bien sûr directement avec leur communauté. Johanna Jaskowska s’est ainsi fait un nom par hasard sur Instagram. Elle expérimentait des filtres pour visage sur Instagram et, avec son filtre Beauty3000, elle a touché une corde sensible chez une génération qui cherchait de nouveaux moyens numériques de s’exprimer. Grâce à Beauty3000, les utilisateurs peuvent se couvrir le visage d’un voile virtuel brillant. Celui-ci embellit le visage numériquement,  comme jamais auparavant. C’était le début d’une carrière qui l’a rendue célèbre et lui a permis, comme à Serwah Attafuah ou à Krista Kim, de se frayer un chemin dans le monde du crypto art.

 

Quel futur pour l’art immatériel ?

Le monde de l’art n’a pas fini de s’étonner devant ces collectionneurs d’œuvres qui ne sont pas des objets physiques que l’on peut accrocher au mur. C’est là que réside tout le potentiel de l’art numérique. Les NFT se trouvent dans les « wallets » de nos smartphones, semblables aux applications utilisées pour les billets de train ou tickets d’entrée. Les collectionneurs et collectionneuses peuvent échanger les NFT aussi publiquement qu’ils le souhaitent et ouvrir un musée numérique. Actuellement, l’art numérique se visualise principalement sur des écrans de smartphone ou d’ordinateur. Il ne faudra sans doute pas attendre longtemps avant de pouvoir les admirer dans une pièce. Comment ? La réponse pourrait être le prochain tournant qui révolutionnera l’art.

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