She's | 6 Nov 2019

Laissez-les jouer plus longtemps !

Avec le jeu, les enfants se construisent un avenir sûr : une interprétation de l’illustratrice berlinoise Laura Junger.

Propos recueillis par : Iris Mydlach // Illustration : Laura Junger // Photos : PR

Dans les années 2000, la Finlandaise Linda Liukas et ses camarades de classe comptaient parmi les meilleurs écoliers de l’étude mondiale PISA. Son plaidoyer pour une meilleure éducation : plus de divertissement… Et le codage intégré à toutes les disciplines

À de nombreux niveaux, la Finlande est un pays curieux. Ils sont passés maîtres dans l’art de faire les choses tout autrement que le reste du monde. Quand j’avais 15 ans, il y a eu un test à l’école ; nous avons été prévenus très tard. Il s’appelait PISA et était mené dans 35 pays. Nous faisions partie des meilleurs. C’était en l’an 2000, aux débuts de l’étude PISA, un test international standardisé qui compare les connaissances d’écoliers de 15 ans. Les écoliers finlandais ont surpris tout le monde avec leurs résultats. Depuis, on me pose souvent cette question tout à fait légitime : que fait-on autrement en Finlande ?

Je souligne toujours que notre système éducatif se fonde sur des valeurs claires. Il mise sur l’égalité des chances plutôt que sur la formation d’une élite. Le jeu au lieu de l’entraînement intensif. Les enfants finlandais ne connaissent pas le stress des examens. L’idée consiste à enseigner aux enfants les mathématiques ou la biologie en jouant, et à transmettre les connaissances de manière créative. Les enfants sont curieux, et ils peuvent le rester. Ils ne doivent pas apprendre par cœur, mais identifier des contextes. Ils doivent bénéficier de suffisamment d’espace pour pouvoir trouver leurs propres réponses et leur solution à un problème.

L’apprentissage a toujours revêtu un aspect ludique. Et c’est typiquement finnois : dans notre pays, on a toujours laissé les enfants jouer longtemps. Pour nous, il s’agit du point de départ de tout apprentissage. Il existe une sorte de consensus social. Le jeu stimule la concentration et l’endurance, il retient l’attention pendant longtemps et influence la façon d’aborder des problèmes. Qu’on soit frustré ou qu’on cherche d’autres solutions. Si un enfant de quatre ans joue constamment, cela a plus d’impact sur son futur parcours académique que s’il commence à lire à cet âge.

Pour transmettre de tels contenus, il faut des spécialistes hautement qualifiés. La formation de nos enseignants est incroyablement élitiste. Certaines années, il était plus difficile d’obtenir une place à l’université pour étudier la pédagogie que la médecine ou le droit. Cela rend le système finlandais difficilement transposable aux autres pays. Tout du moins si on essaie de copier exactement le modèle. En effet, il faudrait que les mentalités changent pour cela. Chez nous, même au jardin d’enfants, les gens qui travaillent ont un bachelor en sciences de l’éducation.

En Finlande, le plan d’éducation des écoles est complètement revu tous les dix ans. Ce fut le cas en 2016. Prenons un exemple pour comparer : en 2006, il n’y avait pas l’iPhone. En 2016, le monde était devenu méconnaissable. Je trouve que les Finlandais ont été courageux : pour la première fois, le plan d’éducation de notre pays prévoit que les enfants apprennent la programmation et le codage dès le plus jeune âge.

Mais là aussi, nous faisons autrement que les autres. Nous pensons que l’informatique et la programmation ne sont pas des disciplines à part entière, mais qu’elles jouent un rôle dans chaque matière. En biologie, mais aussi en artisanat ou en art. En effet, écrire un programme pour un ordinateur n’est rien d’autre que prendre en main un crayon de couleur et dessiner. Ou construire un château avec des Lego. Le tout est de s’exprimer. Diviser une tâche globale en de nombreuses petites tâches. Reconnaître des schémas, développer des plans pas à pas. Ce qui compte, c’est de favoriser une manière de penser et non d’interroger un corpus de savoirs. La société finlandaise est ouverte à cette expérience. Les enfants peuvent nous apprendre à aborder des tâches complexes avec une approche ouverte. Cela nous prépare bien aux défis des décennies à venir.