She's | 22 Aug 2019

La pelucherie, une histoire de famille

Deux sœurs réinventent le magasin de leur grand-mère en créant une start-up autour de peluches

TEXTE : OLIVIER BAUER

L’histoire serait-elle un éternel recommencement ? Quarante ans après l’ouverture de la célèbre Pelucherie de leur grand-mère dans une galerie sur les Champs-Élysées, Alexandra et Natacha Zambrowski ont relancé sur le net la célèbre marque de peluches. Visite du Showroom en leur compagnie au milieu d’un bestiaire enchanté.

Hector le Shar Pei, Rosalie la tortue, Alfred le hérisson, Marcel le singe, Balthazar le croco et Zoé la girafe

C’est un endroit tenu secret non loin de la Tour Eiffel, un salon baigné de lumières. Là, sagement installées sur de vastes canapés, des dizaines de peluches de tout poil semblent attendre que cesse le va-et-vient des humains pour jouer un remake de Toy Story. Toutes ont des noms attribués par une petite communauté fidèle et enthousiaste sur Instagram. Il y a Hector l’iconique Shar Pei, Rosalie la tortue, Alfred le hérisson, Marcel le singe, Balthazar le croco ou Zoé la girafe. Il y en a des grands et des petits, à l’image de ceux qui les achètent. Les créations de La Pelucherie 2.0 attirent aujourd’hui autant les adultes que les enfants. Comme au temps de la boutique de Lydie sur les Champs-Élysées.

 

Une jungle de peluches

Quand elle parle de la boutique de sa grand-mère, Alexandra la décrit comme une jungle immense dans laquelle les panthères vous observaient depuis les hauteurs des étagères et où les singes pendaient sur des lianes infinies. Alexandra avait une dizaine d’années et se souvient du magasin avec ses yeux d’enfant. « La Pelucherie était un lieu de promenade, les parents y emmenaient leurs enfants comme on va au parc, pour le dépaysement. » On y croise alors une foule d’anonymes mais aussi Elton John, Sophie Marceau, Dalida, Fanny Ardant ou Peter Gabriel. Lors de son passage, Juliette Binoche écrit dans le livre d’or « le zoo des peluches fait bien rêver… »

 

Un projet familial

En 1997, Lydie vend sa boutique à l’un de ses fournisseurs. La Pelucherie des Champs-Élysées ferme finalement ses portes en 2005 et la marque tombe dans le domaine public en 2010. Six ans plus tard, Alexandra et sa sœur Natacha décident de changer de vie (professionnelle) pour recréer leur univers d’enfance.

La première travaille alors dans le marketing (ancienne salariée MBF), la seconde est avocate au barreau. « Nous avions toutes deux envie de trouver un projet qui nous tenait à cœur, qui avait du sens. » Quarante ans après l’ouverture du magasin, les deux sœurs font le choix de tout plaquer pour se lancer dans cette aventure « teintée de nostalgie mais résolument moderne ! ». Elles créent leur start-up et réinventent l’enseigne sur la toile. La chance – ou l’opportunité – leur sourit et elles finissent par retrouver dans le nord de l’Italie l’un des ateliers qui fabriquait les peluches de leur grand-mère. Elles s’empressent de signer un nouveau contrat d’exclusivité. « Nous voulions offrir la même qualité, nos peluches devaient être haut de gamme » souligne l’une des deux sœurs. Un travail artisanal depuis l’emporte-pièce en carton jusqu’aux points de couture et les finitions réalisées à la main.

 

Modèle à succès !

En trois ans, elles ont créé leur propre modèle, celui d’une start-up dynamique très présente sur les réseaux sociaux. « On a tout financé en fonds propres ! On a commencé par vendre 10 peluches à notre cercle familial, à nos amis, puis 20, puis 50… on ne savait pas à qui ni comment… »

Fin 2016, Colette, la célèbre enseigne du 213 rue Saint-Honoré aujourd’hui disparue, est la première à leur faire confiance : « Nous (re)lancions tout juste la marque et avons été choisies pour faire sa vitrine de Noël. Ça a été un formidable booster ! » Depuis, plus rien ne leur semble impossible : « C’est l’entreprenariat ! On fonce ! On ouvre les portes les unes après les autres… » dit l’ainée avec de grands mouvements de bras. Alexandra se souvient être ainsi allée au Bon Marché avec ses peluches sous le bras pour rencontrer la vendeuse parce qu’elle n’avait pas de réponse au téléphone. « On y est rentré juste avec notre Shar Pei en participant à un atelier broderie… » Aujourd’hui, toute la collection est vendue sur place mais aussi à La Châtelaine, au concept store de l’Hôtel Ritz, et dans quelques points de vente en province et à l’étranger.

 

La Pelucherie 2.0

Chaque jour, La Pelucherie 2.0 étend un peu plus sa toile. Le Plazza-Athénée et l’Hôtel de Crillon lui ont passés commande de pièces sur mesure, d’autres sont en attente. Parallèlement aux commandes en direct sur le net et aux ventes en magasin ou dans des Pop-up stores parisiens, ces partenariats offrent de nouvelles perspectives à la jeune start-up. « À ce jour, le chiffre d’affaires est équitablement divisé entre ventes aux professionnels et aux particuliers, explique Alexandra, le chien Hector dans les bras. Peut-être parce qu’il n’existe pas de marque forte de peluches sur le marché, et qu’aucune ne vend en direct. Mais nous arrivons… »

Pour ne pas attendre l’explosion des ventes de fin d’année – Noël reste une période très forte pour les achats de peluches –, les sœurs ont créé de nouveaux produits autour des naissances. La Pelucherie propose ainsi des pochettes brodées et personnalisées avec le nom et la date de naissance du bébé. Un travail sur mesure dont Lydie aurait été fière.

 

Alexandra et Natacha ont perdu leur grand-mère au début de l’été. Elles ont posté une photo d’elle sur le compte Insta de la marque. Comme un ultime hommage. Cet automne, les sœurs feront leur entrée au salon Maisons & Objets pour « faire un pas dans la cour des grands. » Elles ont aussi prévu de rééditer de nouveaux modèles parmi lesquels un dauphin qui séduisait déjà il y a quarante ans les promeneurs des Champs-Élysées. Dans le livre d’or de La Pelucherie, Luc Besson avait laissé ces quelques mots : « Loin de la mer il n’y a que là où l’on trouve des dauphins… »