Imagine | 3 Apr 2018

Sea Shepherd, le berger des océans

Un pirate moderne au service de l’écologie

TEXTE : MAXIME SCHOUPPE

Les océans. La source de toute vie sur Terre. Leur santé est vitale pour l’avenir de la planète – en tout cas pour notre survie à nous, l’espèce humaine. Mais ils sont mal protégés. La haute mer est une vaste zone de non-droit, théâtre des plus graves crimes environnementaux. À défaut d’une police internationale, c’est un berger de la mer qui fait le gendarme. Trois questions à Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd, l’ONG devenue le défenseur de l’environnement le plus combatif au monde.

Pourquoi avez-vous choisi de protéger précisément la vie marine ? L’urgence est-elle plus importante que sur terre ?

PAUL WATSON : L’océan est le « système de support » de toutes les formes de vie sur la planète. Pour parler franchement : si les océans meurent, nous sommes tous perdus. Près de 80 % de nos réserves en oxygène proviennent de la mer. La mer – et sa biodiversité écologique – est le régulateur climatique de la planète entière. Sauver les mers, c’est sauver l’humanité.

Paul Watson

“La mer est le régulateur climatique de la planète. Sauver les mers, c’est sauver l’humanité.”

Quels sont vos défis les plus urgents ?

PAUL WATSON : La priorité absolue, c’est la défense de la biodiversité en milieu marin. Nous sommes engagés dans un combat pour éviter des extinctions d’espèces. Pour cela, il faut mettre fin tant à la pêche illégale qu’à la surpêche, en finir une fois pour toutes avec la chasse à la baleine et empêcher l’exploitation du plancton par l’homme. Mais il y a tant de défis ! Il y a cinquante ans, lorsque je me suis lancé dans la lutte écologiste, mon but était de créer un mouvement. On peut contrecarrer, bâillonner les individus – et puis ils n’ont pas la vie éternelle. Les organisations peuvent être contraintes à fermer leurs portes. Mais un mouvement ne peut pas être arrêté, il dure pour toujours.

Gardez-vous un peu d’espoir malgré tout ?

PAUL WATSON : Vous savez, on ne doit pas se faire trop de soucis pour la planète. Elle continuera de tourner. Dans son histoire, la Terre a connu cinq épisodes d’extinction de masse… Il y a 250 millions d’années, celui du Permien a vu la disparition de 97 % des espèces vivantes. Il a fallu près de 20 millions d’années pour que la vie s’installe de nouveau durablement. Même si l’Anthropocène actuel doit se solder par l’élimination d’une grande partie des espèces et marquer la 6e grande vague d’extinction, je ne me fais pas trop de soucis. D’ici à 20 millions d’années, la Terre sera de nouveau une très belle planète !

L’objectif de Sea Shepherd est donc de sauver l’humanité de l’humanité. Mais je suis toujours optimiste. L’homme devra apprendre à vivre en harmonie avec les autres espèces, dans le respect des lois écologiques – la diversité et l’interdépendance de toutes les formes de vie. La réalité incontournable, c’est que les ressources naturelles ne sont pas inépuisables. Ne pas en prendre conscience, c’est signer l’arrêt de mort de l’humanité. C’est à nous de faire le bon choix.

 

Quelles sont les actions de Sea Shepherd ?

Sea Shepherd oeuvre pour la conservation des milieux marins et est disposé à intervenir directement pour arrêter ou empêcher la destruction de la vie et des habitats marins. L’ONG agit parfois seule, en haute mer, où elle fait fonction de gendarme face aux infractions criminelles loin de tous les regards, parfois en partenariat avec les autorités publiques dans certaines eaux territoriales.

Les gouvernements du monde ont signé et ratifié des lois de protection de la vie marine sans pour autant mettre en place une force de police pour les faire respecter. Heureusement, la Charte mondiale pour la nature des Nations Unies autorise toute ONG à faire appliquer les lois de protection de l’environnement lorsque les États font défaut.

Avec plus de 250 expéditions dans toutes les mers du monde à son actif, l’ONG affirme avoir sauvé des centaines de milliers d’animaux marins, sans jamais faire de blessés, sans qu’aucune inculpation n’ait jamais été retenue contre elle.

En parallèle, l’organisation anime chaque année plusieurs campagnes internationales et des dizaines de campagnes nationales pour sauver les baleines, les dauphins, les tortues de mer, mais aussi les requins qui jouent un rôle essentiel dans la chaîne alimentaire marine.

Qui est Paul Watson ?

Né à Toronto (Canada) en 1950, Paul Watson devient un activiste environnemental dès l’âge de 11 ans, lorsqu’il déclare la guerre aux trappeurs après que son castor préféré eut péri dans un piège à mâchoires. Après un passage chez les garde-côtes canadiens et dans la marine marchande, il est à 18 ans le plus jeune cofondateur de Greenpeace. Huit ans plus tard, il crée Sea Shepherd.