She's | 18 May 2021

L’énergie créatrice de Meryanne Loum-Martin et sa fille Thaïs

Jnane Tamsna, un lieu de rencontre et de création à Marrakech

TEXTE : ANDREA BIERLE // PHOTOS : TERRY TSIOLIS, MIKE MEYER, EBONY SIOVHAN, AMIRA AZZOUZI, JNANE CAZALS

Voici près de 20 ans, Meryanne Loum-Martin a ouvert à Marrakech un hôtel-boutique célébré dans le monde entier, créant un lieu enchanteur pour des rencontres internationales. Aujourd’hui, elle passe plus de temps que jamais avec sa fille Thaïs Martin. Leurs nouveaux projets riches en émotions associent durabilité, luxe et racines culturelles.

Les palmiers étaient déjà là quand Marrakech hébergeait des caravanes de passage, bien avant que les dynasties en fassent une somptueuse ville royale. Désormais, La Palmeraie est un désert prospère, un lieu de refuge loin des souks animés de la médina de Marrakech, à sept kilomètres de là, et de l’hôtel-boutique Jnane Tamsna.

Ce nom arabe signifie « le jardin paradisiaque » et décrit à la perfection ce havre féerique, avec ses sentiers sinueux entre bougainvillées et agaves, entre orchidées et oliviers. Les fragrances exotiques de coriandre, de gardénia et de jasmin embaument l’air, et chacune des 24 magnifiques chambres réparties entre cinq villas produit l’effet d’un coffret à bijoux : un superbe mélange d’antiquités, de styles ethniques et d’éléments modernes disposés avec beaucoup de goût.

Ce n’est ni un sultan, ni un roi, mais bien Meryanne Loum-Martin qui a créé ce royaume unique en son genre. En 2001, elle fut la première femme noire à ouvrir au Maroc un hôtel de luxe. Avec son mari, l’ethnobiologiste américain Gary Martin, qui a conçu les trois hectares de jardin en harmonie avec les résidences de luxe, elle a créé une oasis de bien-être haut de gamme. Elle y a déjà accueilli des designers, des musiciens et des acteurs mondialement connus.

Une hospitalité luxueuse et durable

Si la pandémie entrave actuellement les voyages, elle n’a pas cet effet sur le dynamisme de Meryanne. De fait, elle a entre autres publié le livre Inside Marrakesh, consacré aux villas et jardins envoûtants de Marrakech, et elle joue actuellement avec des idées « qui associent toutes le luxe et les modes de vie biologiques ». Son savoir-faire dans le domaine du développement de « l’hospitalité boutique durable », selon son expression, est très demandé. Il s’agit d’une approche holistique ancrée dans l’héritage culturel. Cela commence par les ingrédients cultivés sur place pour les plats nord-africains préparés en cuisine et va jusqu’aux produits de la boutique de l’hôtel.

« Derrière chaque pièce d’artisanat et chaque article cosmétique ou culinaire se cache une histoire », explique sa fille Thaïs, documentariste et auteure. « Nos visiteurs acquièrent non seulement un souvenir, mais ils soutiennent aussi les communautés locales et créent un lien personnel. » Ce type de lien émotionnel, que ce soit avec des personnes, un produit ou un endroit, est l’incarnation même du luxe moderne dans l’esprit des deux femmes.

Un lieu de rencontre et d’échanges

L’idée consiste toujours à créer une aura particulière, à rassembler les gens, à proposer des expériences. Il peut s’agir tout autant d’un cours de cuisine que d’un échange intellectuel. Meryanne Loum-Martin a donné vie à Diaspora Heritage, une plate-forme dont l’objectif consiste à présenter à un public international des femmes de talent issues de la diaspora africaine. Avec le soutien de Thaïs, elle compte construire un réseau et proposer Jnane Tamsna comme lieu de rencontre pour des événements et des think-tanks.

« Pour moi, ces femmes sont les Nana Benz modernes », lance-t-elle. Ce nom désigne les femmes d’affaires togolaises qui prospérèrent dans les années 1950 et 1960 grâce au commerce de tissus hollandais. Elles étaient reconnaissables grâce aux berlines Mercedes-Benz qu’elles conduisaient. « Elles étaient souvent analphabètes, mais étaient de brillantes femmes d’affaires », explique Meryanne, elle aussi businesswoman accomplie.

Un destin hors du commun bientôt en série

Ce chemin n’était pourtant pas tout tracé pour elle. Fille d’un ambassadeur sénégalais et d’une juriste originaire des Antilles, elle est née en Côte d’Ivoire et a grandi à Moscou, Londres et Paris. « L’histoire familiale de ma mère ressemble à un récit de fiction, mais il est bien réel », poursuit Thaïs, qui nous parle de son quinquisaïeul. Né esclave, il obtint sa liberté à 16 ans, apprit tout seul à lire et à écrire, et finit par réussir à acheter les terres sur lesquelles il était né en tant qu’esclave. Son fils fut un des premiers députés noirs en France. « Et ce n’est que le début ! »

Comme Thaïs voulait apprendre l’histoire de ses ancêtres, elle a passé beaucoup de temps à Paris, chez sa grand-tante. Aujourd’hui, à 27 ans, la jeune femme retravaille ses recherches afin d’en faire un scénario pour une mini-série, une des raisons pour lesquelles elle a quitté Londres en 2018 pour revenir à Marrakech. L’ambiance zen de Jnane Tamsna est propice à l’écriture. En outre, elle peut à tout moment poser des questions à sa mère sur sa généalogie.

Rattraper le temps ensemble

D’ici à ce que Jnane Tamsna puisse redevenir un lieu de rencontre, mère et fille profitent de leur proximité actuelle. « J’aime particulièrement aller avec elle au musée, au marché et dans les palais : ma mère est une mine d’informations en ce qui concerne l’histoire et l’architecture », raconte Thaïs.

De son côté, Meryanne apprécie la perspective de sa fille, qui lui donne un accès à la scène artistique et créative plus jeune de Marrakech. Elle aussi a été attirée par tout ce qui est peu conventionnel. À tel point qu’elle a abandonné son métier d’avocate à Paris. Toutes deux ont la créativité dans les gènes !