She's | 27 Nov 2019

Soyez courageuses !

Experte en technologie, femme influente - Marie Wieck soutient les jeunes femmes dans le secteur de l'informatique.

INTERVIEW : SEVERIN MEVISSEN // PHOTOS : ALEX TREBUS

Marie Wieck est l’une des expertes en technologie les plus influentes au monde. Elle entend soutenir la carrière de jeunes femmes dans le secteur de l’informatique. Quel message adresse-t-elle aux jeunes femmes talentueuses et ambitieuses de ce monde ?

Dans le monde des ingénieurs et des informaticiens, vous faites toujours figure d’exception. Aviez-vous planifié cette carrière ?

MARIE : J’ai toujours été intéressée par les sciences naturelles. J’ai postulé auprès de sept universités, et j’ai fini par être admise à la Cooper Union. J’ai obtenu un diplôme en Electrical Engineering et en informatique. Ensuite, j’ai suivi un stage chez IBM, et on connaît la suite : après mon master, j’ai fait un crochet chez Bell Labs, puis je suis retournée chez IBM. J’y ai notamment travaillé dans les domaines des matériels et des logiciels, du cloud, des services nomades et de la technologie blockchain.

 

Les femmes restent une minorité dans le domaine de l’informatique et du développement de logiciels : comment rendre le métier de programmation attrayant pour les femmes ?

MARIE : C’est vrai, de nos jours, moins de femmes travaillent dans le domaine de l’informatique qu’à l’époque où j’ai commencé. Mais la situation s’améliore dans le domaine des sciences dures (les maths, l’informatique, les sciences naturelles et la technique). On observe que les femmes sont à présent plus nombreuses que les hommes à étudier la médecine, par exemple. C’est avant tout parce que des femmes ont atteint un statut de modèle dans ces domaines. Et il faut continuer d’augmenter le nombre de modèles visibles. Des films tels que Les Figures de l’ombre, notamment, sont de bonnes sources d’inspiration.

 

Pouvez-vous, en tant que directrice générale d’IBM Blockchain, nous expliquer le fonctionnement de cette technologie et son utilité future dans d’autres domaines que les cryptomonnaies ?

MARIE : Il s’agit d’un système de sauvegarde électronique, une nouvelle façon de partager et de sécuriser des données sur un réseau professionnel. Ces données peuvent se rapporter à des objets comme des voitures, ou à des transactions comme l’échange de devises étrangères. Avec l’accord des parties concernées, non seulement la valeur actuelle des données, mais aussi le processus de mise à jour et de transfert sont partagés et enregistrés. La possibilité de faire tout cela en temps réel, la possibilité d’un accès et d’un contrôle par de nombreuses parties différentes, sans intermédiaire, rendent la technologie blockchain révolutionnaire. Cela permet de concevoir des modèles économiques fascinants dans des domaines tels que la traçabilité, la chaîne logistique et les finances.

Cela semble très abstrait, pouvez-vous décrire comment la blockchain pourrait changer le monde ?

MARIE : Nous employons cette technologie pour la sécurité alimentaire ou pour l’échange de données dans le cadre du contrôle clinique de médicaments. La blockchain sert même à détecter la fraude au clic sur Internet. Et nous allons l’employer pour rendre l’extraction du cobalt plus sûre et plus éthique. Un autre domaine consiste en la gestion des droits numériques. La blockchain permet de s’assurer que l’artiste qui a enregistré une chanson sera effectivement rémunéré, ou que votre don à une organisation d’utilité publique arrivera à bon port. Nous croyons que la blockchain modifiera fondamentalement le traitement des transactions, de la même façon qu’Internet a changé la communication.

 

Outre votre fonction chez IBM, vous êtes membre du conseil de surveillance de Daimler AG. En quoi cela consiste-t-il ?

MARIE : Je siège au conseil de surveillance depuis avril 2018 et le voyage est pour l’instant fascinant, surtout dans le contexte actuel du basculement du secteur automobile dans le numérique. Une part essentielle de mon rôle est d’accompagner le passage de « Je suis le fabricant d’une voiture de tourisme » à « Je suis un fournisseur innovant de services de mobilité ». Je discute du développement de la croissance et de la valeur de Daimler AG avec les investisseurs. L’important, c’est de voir les liens entre les différents secteurs et de comprendre comment l’utilisateur peut bénéficier de cette technologie.

 

Souvent, les femmes se sentent découragées lorsqu’elles cherchent à combiner vie de famille et vie professionnelle. Comment y êtes-vous parvenue ?

MARIE : Mon mari et moi, nous partageons les responsabilités. J’ai d’abord pris un congé maternité, puis j’ai travaillé à mi-temps pendant une période. Mon mari a fini par arrêter de travailler pour passer plus de temps avec les enfants. Nous avons une famille nombreuse et IBM m’a soutenue grâce à des horaires de travail flexibles. Il ne faut pas avoir peur de déléguer. Vous ne devez pas toujours tout faire seule et vous pouvez demander de l’aide.

 

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu et que vous voudriez transmettre à votre tour ?

MARIE : Il faut s’essayer à de nouvelles choses. J’ai lu qu’un enfant actuel aura sept métiers différents dans sa vie d’adulte, et que trois de ces métiers n’existent toujours pas. Si je pense à ma propre carrière : la blockchain n’existait pas non plus à l’époque, et pourtant je travaille aujourd’hui dans ce domaine. Il ne faut pas avoir peur de toujours apprendre des choses nouvelles : soyez curieuses et osez-vous jeter à l’eau. Soyez courageuses !