She's | 1 Aug 2019

Mes deux mondes

Rencontre avec la gestionnaire de la marque AMG

INTERVIEW : Jörg Heuer // PHOTOS : Jan van Endert

La Japonaise Asami Ueno, 36 ans, a vécu de nombreuses années en Allemagne. Aujourd’hui, elle travaille à Tokyo, sur le site de la première filiale indépendante de Mercedes-AMG dans le monde, en tant que gestionnaire de la marque AMG. Quels chemins l’ont menée à destination ?

Comment vos années passées à Bonn et à Berlin, enfant, vous ont-elles marquée ?

ASAMI : Elles m’ont permis d’acquérir de la confiance en moi et une certaine ouverture sur le monde. Peut-être m’ont-elles aussi rendue plus forte.

 

Il paraît que les Japonais sont la version asiatique des Allemands. Avons-nous vraiment tant de points communs ?

ASAMI : Il en existe quelques-uns, oui : les Japonais et les Allemands sont bien organisés, disciplinés et fiables.

 

Vous aimez alterner entre l’Orient et l’Occident... et donc entre deux mondes ?

ASAMI : Oui, je me rends à des courses sur tous les continents, je suis bien sûr plusieurs fois par an en voyage d’affaires à Affalterbach, le lieu de naissance d’AMG. J’aime tout cela. J’aime me déplacer.

 

Est-ce que cela a joué un rôle dans votre choix de carrière ?

ASAMI : Pendant les études, et c’est typiquement japonais, je n’avais pas encore de plan concret. Je savais seulement que je voulais absolument avoir un lien avec l’Allemagne.

 

Après vos études, vous avez donc postulé auprès d’entreprises allemandes et Mercedes-Benz vous a donné une chance…

ASAMI : Oui, j’ai eu la chance de pouvoir faire un stage chez celle que je préférais en secret. J’avais poussé la porte d’entrée, et j’en étais fière. Mercedes-Benz, c’est une super marque. Tout le monde la connaît.

 

N’est-ce pas habituel pour de nombreuses femmes au Japon d’étudier, se marier, avoir un enfant puis l’élever ?

ASAMI : C’est exact. Et malheureusement, cela n’a pas beaucoup changé au cours des dernières années.

 

Quand avez-vous décidé de ne pas suivre ce chemin ?

ASAMI : Quand j’étudiais, je savais déjà que je mettrais la priorité d’abord sur le travail, puis sur la famille. Bien sûr, j’aimerais me marier et avoir un enfant, mais j’ai le temps pour cela. À la fin de la trentaine, au début de la quarantaine, c’est encore possible, c’est d’ailleurs tout à fait courant en Allemagne.

 

Comment décririez-vous vos débuts chez Mercedes-Benz ?

ASAMI : On m’a soutenue et encouragée. Dans les entreprises japonaises, souvent, les nouvelles doivent commencer en classant des dossiers et en faisant le café. Chez Daimler, deux autres femmes et trois hommes ont commencé en même temps que moi. Tout le monde était traité de la même façon. Très bien !

 

Comment avez-vous évolué jusqu’à votre rôle de manager ?

ASAMI : Je me considère un peu comme un pion d’échecs au sein de l’entreprise ; il s’agit de nouveau d’une vision très japonaise.

 

Quel pion seriez-vous ?

ASAMI : Le pion, justement, celui qui est placé par les supérieurs là où il réalisera au mieux sa tâche.

 

Lorsque vous êtes devenue gestionnaire de la marque AMG en 2013, vous êtes devenue la dame, non ?

ASAMI : Je continue de me considérer comme un pion. Je me sens bien dans ce rôle.

 

AMG est une marque très masculine...

ASAMI : Le défi est d’autant plus grand. 70% de nos clients sont des hommes, et sans l’AMG A 45, cette proportion serait encore plus grande. Bien sûr, au début, je me suis demandé si j’étais la bonne personne pour ce poste.

 

Quelles sont vos qualités qui vous rendent convaincante en tant que manager ?

ASAMI : Je vais de l’avant, j’écoute, j’innove, je suis attentionnée et sévère, aussi envers moi-même.

 

Quel est votre trait de caractère à l’opposé de la Japonaise typique ?

ASAMI : Je suis directe. Si nous risquons de perdre des clients, j’attrape le téléphone et j’appelle l’Allemagne. Heureusement, mes arguments ne tombent en général pas dans l’oreille d’un sourd. Certains de mes chefs japonais sont mal à l’aise avec mon franc-parler. Ils me disent à demi-mot : un peu moins d’énergie, je vous prie.

 

Vous considérez-vous comme une pionnière de la nouvelle génération féminine au Japon ?

ASAMI : Oui et non. Oui, parce que d’autres comprennent en me voyant que les femmes disposent des mêmes possibilités de carrière que les hommes dans les entreprises multinationales. Non, parce qu’à la moitié de la trentaine, je n’ai ni enfant ni ma propre famille.