She's | 27 Nov 2019

Poings sensibles

Comment les sports de combat aident-ils à surmonter les traumatismes ? Visite chez les « Boxgirls » de Nairobi.

TEXTE : BETTINA RUEHL // PHOTOS : ADAM DAVER

Sarah Achieng sautille sur le béton. Comme montée sur ressorts, elle saute en avant et en arrière, évite, attaque. L’endroit où elle apprend aux jeunes filles à boxer est une petite salle de sport avec un toit en tôle et du crépi qui s’effrite. Un refuge pour enfants en plein cœur du bidonville de Kariobangi. Depuis cinq ans, Sarah Achieng travaille avec Boxgirls Kenya, qui compte 2 000 protégées à Nairobi et aux alentours. Cette organisation bénéficie du soutien de Laureus Sport for Good.

Sarah, après l’entraînement, les filles et vous avez l’air très détendues...

SARAH: Oui, mais il y a beaucoup de problèmes. Les filles viennent de milieux très défavorisés, grandissent souvent sans parents. Certaines sombrent parfois dans la prostitution, et nous avons régulièrement des grossesses précoces.

Il est plutôt inhabituel que les filles fassent de la boxe. Comment les fondateurs ont-ils eu cette idée ?

SARAH: Il y a dix ans, après les élections au Kenya, il y a eu des troubles violents ici. De nombreuses femmes de ces quartiers pauvres ont subi du harcèlement sexuel ou ont été violées. Les fondateurs de l’initiative voulaient créer un espace pour discuter de thèmes tels que la sexualité et la violence sexiste. Au sein de cet espace, les filles doivent se sentir protégées et comme chez elles. Elles doivent pouvoir s’exprimer sur ce type d’atteinte et travailler sur ce qu’elles ont vécu.

Il n’est donc pas uniquement question d’apprendre à se défendre ?

Aussi, mais pas seulement. La boxe est un sport tout à fait particulier. Elle permet aux filles de prendre les rênes. Elle leur enseigne la confiance en soi et la discipline. Elle les libère de leur position de victime. Par ailleurs, la boxe lutte contre les stéréotypes sexistes. Ce sport est également une affirmation à l’encontre de la société patriarcale au Kenya. Deux fois par an, nous organisons des tournois qui nous aident à consolider la conscience de la communauté.

 

Qu’observez-vous quand les filles font de la boxe ?

La situation de combat les aide à s’ouvrir. Elles apprennent à se ressentir et à mieux percevoir leur corps. Souvent, les discussions ne sont possibles qu’une fois qu’elles ont réussi à accéder à elles-mêmes et à leurs peurs.

 

En quoi la fondation Laureus Sport for Good aide-t-elle ce projet ?

Grâce à son soutien, nous avons pu élargir notre programme. Il existe par exemple un entraînement où les filles apprennent à assumer la responsabilité de la résolution de différents problèmes. Parfois, il s’agit de l’hygiène dans les toilettes, parfois de l’aménagement de bibliothèques dans des écoles. Il existe également des formations de développement du leadership, qui forme les filles à l’enseignement de la boxe. Sans Laureus, il nous serait impossible de payer un bon salaire aux entraîneuses.

Elles ont elles-mêmes appris la boxe et entraînent aujourd’hui les jeunes filles. Et vous ?

J’ai pris confiance grâce au sport, j’ai même participé pendant tout un temps à des compétitions professionnelles à l’échelle internationale. Aujourd’hui, je souhaite transmettre aux filles mes expériences positives.

Laureus Sport for Good

Mercedes-Benz est un des partenaires fondateurs de la fondation Laureus Sport for Good. Elle a été mise sur pied en 2000 et est aujourd’hui l’initiative sociale la plus importante de la marque Mercedes-Benz. La fondation soutient les enfants et adolescents défavorisés par le biais de projets sportifs dans le monde entier. Boxgirls Kenya vient en aide aux filles dans les quartiers pauvres de Nairobi.