Alexander Zosel, comment avez-vous eu l’idée de construire un taxi volant autonome ?
Pour être honnête, l’idée vient de Stefan Wolf, un ami et désormais partenaire commercial. À l’époque, son fils voulait un multicoptère téléguidé. Stefan a réfléchi à quoi ressemblerait cet engin en grandeur nature en version pilotable. Il est ensuite venu me voir avec cette idée, parce que j’avais travaillé comme instructeur de parapente et que je ne suis pas mauvais en affaires. En prime, je m’intéresse à beaucoup de choses et j’ai une imagination débordante ! En tous cas, j’ai tout de suite eu une image concrète du taxi volant. C’est de cette image qu’est né le Volocopter.
Combien de temps a pris son développement ?
Nous avons décollé pour la première fois en 2011, tout juste un an après la première idée. Nous étions les premiers au monde à décoller à la verticale avec un pilote et un moteur totalement électrique. Ce vol nous a permis d’atterrir dans le Guinness des records. À l’époque, il n’était pas aussi élégant qu’aujourd’hui, mais nous voulions d’abord prouver que notre concept était possible d’un point de vue technique.
Pouvez-vous nous expliquer rapidement comment fonctionne le Volocopter ?
Il est équipé de 9 systèmes de batteries indépendantes, 18 moteurs et de nombreux miniprocesseurs qui veillent à ce que tout fonctionne. Deux moteurs situés l’un en face de l’autre sont toujours alimentés par une batterie. Donc si une batterie tombe en panne, seuls deux moteurs s’arrêtent. Et comme ils sont face à face, le taxi volant ne risque pas de pencher d’un côté.
Quelle est la différence entre le Volocopter et un hélicoptère traditionnel ?
Notre modèle fonctionne presque exclusivement électriquement. Il contient beaucoup moins de mécanique qu’un hélicoptère de sauvetage par exemple. Les 18 moteurs sont reliés les uns aux autres uniquement par la structure en fibre de verre. La défaillance d’un moteur n’affecte donc pas les autres. Le Volocopter fait aussi beaucoup moins de bruit : à 500 mètres, un hélicoptère est toujours plus bruyant qu’un Volocopter à 75 mètres.
Quand pensez-vous que les êtres humains seront prêts à faire confiance à cette nouvelle technologie ?
Les nouvelles technologies suscitent souvent d’abord de la peur. Mais nous avons été contrôlés de manière très minutieuse par les sévères autorités nationales de l’aviation, notamment en Allemagne et à Dubaï. Chaque fois, nous avons pu prouver que le Volocopter continue de voler lorsque plusieurs moteurs ou plusieurs batteries sont éteints.
Vous êtes donc autorisés à mener des tests à Dubaï ?
Exactement ! Nous avons même pu y acquérir nos premiers clients. Cette mégapole souhaite arriver à ce qu’un quart des transports publics locaux soient autonomes d’ici à 2030. Nous avons conclu un accord avec l’autorité des transports, la Roads and Transport Authority (RTA), pour des tests réguliers de nos taxis volants autonomes. Et c’est à Dubaï qu’a eu lieu en 2017 le premier vol public du Volocopter dans une grande ville.
Dans un premier temps, y aura-t-il un pilote à bord ?
Oui, ce sera la première étape dans la plupart des villes, afin de développer la confiance dans cette technologie. Mais, à long terme, les Volocopter seront autonomes, notamment parce que c’est plus sûr. Les deux ou trois premières années, les vols commerciaux pourront aller de 10 à 15 kilomètres. Actuellement, les batteries tiennent environ 30 minutes. Le changement de batterie, qui prend de 3 à 4 minutes, peut être réalisé pendant la montée et la descente des passagers, donc sans trop retarder le départ de l’engin.
Le pompiste sera donc à l’avenir remplacé par un agent de recharge ?
Au début, ce sera sans doute le cas. Mais nous développons aussi des concepts permettant à des robots d’assumer ce rôle pour pouvoir s’occuper de très nombreux Volocopter en peu de temps. Nous envisageons une sorte de télécabine dans laquelle les engins entreraient les uns après les autres afin d’être contrôlés puis chargés automatiquement avant de ressortir. Au lieu d’arrêts de bus et de stations essence, nos villes seront donc équipées de ces télécabines…
Daimler AG détient 11 % des parts. Comment avez-vous financé le prototype ?
Avant la fondation de l’entreprise, nous avons d’abord investi notre propre argent, puis une demande de financement participatif a été lancée, et nous avons conclu des partenariats avec de grandes entreprises, par exemple avec Intel et Daimler AG.
Les défenseurs des oiseaux sont-ils favorables à plus d’engins volants dans le ciel des villes ?
Les réactions sont multiples : certains adorent l’idée de s’envoler et de compter les nids de cigognes ; d’autres s’inquiètent bien sûr de voir le ciel devenir aussi encombré que les rues. Mais le Volocopter n’est pas conçu pour les loisirs. Avec des centaines ou des milliers de taxis volants en plus des taxis au sol, beaucoup de personnes pourraient renoncer à utiliser leur propre automobile. Notre but est de désengorger le trafic local et les centres-villes, ainsi que de contribuer à la diversification de la mobilité.