She's | 19 May 2021

Mary Jackson, première ingénieure afro-américaine de la NASA

« Quand on pense comme un ingénieur, il faut être ingénieur. »

TEXTE : SILVIA TYBURSKI // PHOTO : MAURITIUS IMAGES/ENTERTAINMENT PICTURES

Elle a contribué à envoyer des astronautes dans l’espace, a testé des modèles d’avions dans la soufflerie supersonique, a mesuré des courants et des turbulences : Mary Jackson a été la première ingénieure afro-américaine de la NASA. Lorsque sa carrière se mit à stagner, elle s’engagea en faveur d’autres femmes.

Un jour de 1953, Mary Jackson est soumise à une épreuve particulièrement rude. Mathématicienne au National Advisory Committee for Aeronautics (NACA, devancier de la NASA), elle subit une humiliation qui changera sa vie. En raison d’une pénurie de personnel, elle est envoyée au centre de calcul, où ne travaillent que des femmes blanches. Lorsqu’elle y demande où se trouvent les toilettes des femmes, ses collègues lui répondent par un rire : comment pourraient-elles savoir où sont les toilettes pour femmes noires ? Furieuse, Mary Jackson parcourt le long chemin jusqu’à son ancien service. Sa colère ne s’est toujours pas apaisée lorsqu’elle rencontre ce soir-là l’ingénieur du NACA Kazimierz Czarnecki. Quand celui-ci lui demande comment elle va, elle explose. En réponse, il lui propose : « Pourquoi ne venez-vous pas travailler pour moi ? » Cette journée qui a commencé de façon si humiliante devient alors un tournant dans la carrière de Mary Jackson.

Première de sa classe

À ce moment, cela fait déjà deux ans qu’elle travaille comme mathématicienne pour le NACA à Hampton, en Virginie. À l’école, son talent pour les sciences naturelles n’est pas passé inaperçu. Elle obtient les meilleures notes à la fin du lycée et entreprend deux cursus à l’université locale pour personnes noires : un en mathématiques et un en physique. Embauchée successivement comme enseignante, secrétaire et bibliothécaire, elle intègre en 1951 le NACA, qui recrute en ce début de Guerre froide.

Mary Jackson commence comme dactylographe, bien qu’elle soit largement surqualifiée. Cependant, les circonstances politiques et sociales lui permettent un changement de carrière surprenant. En effet, en période de détresse, l’État prend également en considération les personnes tout en bas de la hiérarchie : les femmes et les Noirs. Trois mois plus tard, en raison de ses extraordinaires compétences en mathématiques, Mary Jackson est transférée au centre de calcul, pour travailler comme une sorte d’ordinateur humain. Ce département a absolument besoin de davantage de cerveaux puissants afin d’aider les ingénieurs dans leurs calculs pour rendre les avions américains plus efficaces.

Sa vie est portée à l’écran

En 1953, la proposition surprenante de Kazimierz Czarnecki ouvre à Mary Jackson les portes d’un monde nouveau. Elle dirige désormais les moteurs de 60 000 ch qui font tourner les turbines de la soufflerie supersonique. Avec son chef, elle publie des rapports tels que « Effects of Nose Angle and Mach Number on Transition on Cones at Supersonic Speeds » (Effets de l’angle du nez et du nombre Mach sur des surfaces coniques à vitesse supersonique). Lorsque le supérieur de son mentor met en doute ses calculs, elle défend son travail point par point… et prouve que ses résultats étaient impeccables.

Kazimierz Czarnecki reconnaît que cette femme a le potentiel de devenir une cadre dirigeante. Il lui propose de se former comme ingénieure. Ce grand moment de la vie de Mary Jackson est raconté dans Les Figures de l’ombre, sorti en 2016. Ce film parle de la scientifique et de deux de ses collègues noires et montre au grand public l’histoire enthousiasmante et méconnue de son ascension professionnelle. Il a rencontré un franc succès, obtenant de nombreux prix et trois nominations aux Oscars.

Dans la scène susmentionnée avec Mary Jackson et Kazimierz Czarnecki, celui-ci lui dit : « Quand on pense comme un ingénieur, il faut être ingénieur. […] »