Imagine | 20 Dec 2019

Sur les toits de Paris

Que se cache-t-il sur les hauteurs de la capitale ?

TEXTE : OLIVIER BAUER // PHOTOS CHRISTOPHE PELÉ/OPERA NATIONAL DE PARIS, JULIETTE PARISOT/ TOITOIMONTOIT.FR

Jardins suspendus, restaurants et potagers, bars à DJ et espaces de coworking, les toits de Paris cachent aujourd’hui de multiples terrasses où les habitants de la ville cultivent leur joie de vivre. Découverte de certains d’entre eux.

On évoque souvent le Paris des souterrains, celui du métro fantôme et des catacombes… mais il existe un autre Paris, tout aussi mystérieux, souvent inaccessible, qui tutoie les nuages, tout là-haut, au niveau des toits. Un monde qui cache ses terrasses, ses potagers, ses bars du regard des passants accrochés au macadam de la ville. Paris n’a jamais eu le skyline de New York et a longtemps tourné le dos aux tours à l’allure de fléchette. La règle reste immuable : aucun immeuble d’habitation ne peut dépasser 50 m de haut. Et pourtant, les toits de Paris continuent de faire rêver le monde entier. Des toits gris, couleur zinc et ardoise, que petit à petit des hommes sont venus apprivoiser.

Retour à la nature

Il y a d’abord ceux qui y installent des ruches, cultivent des fruits, des légumes et des plantes à quelques dizaines de mètres de hauteur. Ceux-là et d’autres ont répondu à l’appel des édiles parisiennes qui, il y a trois ans, ont souhaité (re)végétaliser la ville. Nommée « Parisculteurs », l’opération perdure avec l’ambition de « rendre à la nature » quelque 100 hectares dans la capitale. Potagers ou jardins suspendus, cette pratique contribue désormais à renforcer, à petite ou moyenne échelle, la biodiversité urbaine et à développer les circuits courts. Les exemples sont désormais multiples : ici, quatre sœurs cultivent le safran sur le toit d’un lycée-hôtelier du 14e arrondissement ; là, le chef étoilé Thierry Marx cuisine les produits de son potager aromatique posé sur le toit du Mandarin Oriental-Paris. Dans le même esprit, une dizaine de sites de la capitale abritent aujourd’hui des ruches sur leurs hauteurs : Opéra, Grand Palais, restaurant de la Tour d’Argent, mairie du 4e arrondissement mais aussi sacristie de la Cathédrale Notre-Dame (dont les 200 000 abeilles ont survécu au terrible incendie du printemps dernier), etc.

Un verre en hauteur

Parallèlement, alors qu’on les comptait sur les doigts de la main il y a moins de vingt ans, la liste des rooftops parisiens ne cesse de s’allonger. Chacun sa vue à 180 ou 360 degrés sur l’océan de zinc. Citons ici Les Ombres pour sa cuisine raffinée sur le toit du Musée du Quai Branly ; Le Perchoir, un bar branché avec sets de DJ sur un toit-terrasse d’un immeuble industriel à Ménilmontant et le Nüba, sur le toit de la Cité de la Mode et du Design en bord de Seine. Si la terrasse du Déli-Cieux, au-dessus du Printemps, est en accès libre, de nombreux espaces restent malheureusement fermés au grand public. Et l’on regrette de ne pouvoir grimper tout en haut de la D2, cette tour de la Défense qui abrite au 37e et dernier étage un incroyable « Jardin des Nuages », doté de jolis pins sylvestres à 171 m de haut.

Détente au sommet

De plus en plus d’activités voient également le jour sur les toits-terrasses de la capitale. Une ou deux fois par an, le Studio Paris Yoga Shala se délocalise ainsi sur la terrasse Montaigne située sur le toit du Théâtre des Champs-Élysées. « Le meilleur moyen de prendre de la hauteur, aussi bien physiquement que mentalement » d’après l’un de ses organisateurs. Plus haut encore, la Tour Montparnasse accueille en été des yogis amateurs sur son rooftop pour des séances matinales avant de partir au travail… Cette même Tour Montparnasse qui installe chaque hiver une patinoire éphémère de 230 m2 au 56e étage !

Nager en altitude

Autre plaisir insolite, la nage au milieu des nuages. Mais un plaisir qui a un prix ! Perchée au dernier étage de l’Hôtel Bristol, palace parisien situé à proximité du Palais de l’Élysée, la piscine offre la possibilité de se baigner au niveau des toits de Paris. Dominant un splendide pont en teck, les larges baies vitrées entraînent les nageurs ailleurs. Selon les entreprises spécialisées, comme Piscinelle, les propriétaires parisiens sont d’ailleurs aussi de plus en plus nombreux à équiper leur toit-terrasse d’une piscine sur mesure.

Tennis de haut vol

Pour ceux qui préfèrent taper la balle, rendez-vous dans le 15e arrondissement, à proximité de l’école militaire, où le tennis de la Cavalerie ne dispose que d’un seul et unique court… au 7e étage d’un  bâtiment Art déco. Construit en 1924 par l’architecte Robert Farradèche, le bâtiment est inscrit sur la liste du patrimoine des monuments  historiques. La liste d’attente est longue – très longue – pour rejoindre ce club qui ne compterait que 150 membres.

Pas de doute, jouer au tennis, danser, boire un verre ou travailler au-dessus de la ville reste exceptionnel. Comme au Morning Coworking République, un bâtiment de huit étages, propriété des Douanes, aujourd’hui occupé par une communauté de jeunes entrepreneurs et autres travailleurs « nomades » dont le dernier étage offre une vue incroyable sur tout Paris, de la Tour Eiffel au Sacré Cœur. Ce sujet y a d’ailleurs été rédigé…