Pour vous, quel est le plus grand défi dans votre travail ?
ALONDRA : Sans doute de réussir à créer une compréhension commune de la musique et une cohésion de l’orchestre. Ma mission est de créer une unité. De faire en sorte que les musiciens interprètent la composition de la même façon, pour que l’orchestre joue à l’unisson.
Et comment y parvenez-vous ?
ALONDRA : J’essaie de motiver chacun à donner le meilleur de lui-même, et en même temps, je dois renforcer la cohésion. Pour moi, le temps est un facteur important, je dois donc également coordonner et définir des priorités. De plus, je communique avec le public, et je défends parfois l’orchestre. En tant que chef d’orchestre, on porte souvent des casquettes différentes et on joue des rôles différents.
On dirait qu’il s’agit d’un métier qui demande beaucoup d’expérience...
ALONDRA : De fait. Voilà pourquoi les chefs d’orchestre ne deviennent très bons qu’au fil du temps. Dans ce métier, il faut d’abord grandir pour arriver à la hauteur de ses exigences.
Vous avez maintenant 38 ans. Quand avez-vous su que vous vouliez diriger un orchestre ?
ALONDRA : Très tôt. Je viens d’une famille très artistique et musicale. À 13 ans déjà, j’écoutais Chostakovitch, Stravinsky et Bartók comme une possédée. C’est ainsi qu’est né mon amour pour la musique symphonique. Comme j’ai une très bonne oreille musicale, mon père m’a demandé un jour si je ne voulais pas diriger un orchestre. À l’époque, j’ai trouvé l’idée complètement dingue, mais aussi excitante.
Les musiciens colorent un morceau de musique de leur personnalité. Comment créez-vous cette unité à laquelle vous aspirez ?
ALONDRA : En tant que chef d’orchestre, il faut décider de la façon dont un morceau sera joué. On crée une sorte d’architecture, on se demande comment le morceau se construit d’un point de vue musical. On partage ensuite cette idée avec les musiciens et on veille à ce qu’elle soit appliquée.
Et que se passe-t-il si les joueurs ne sont pas à l’unisson ?
ALONDRA : La communication joue alors un rôle essentiel. Pour moi, il est important – et beaucoup de chefs d’orchestre ont vu les choses différemment pendant longtemps – de communiquer dans les deux sens. L’idée n’est pas que tout le monde me suive. L’objectif est plutôt de donner l’impulsion qui permettra d’obtenir cette harmonie. Pour moi, il est crucial que la confiance s’installe. Je suis persuadée qu’ils font de leur mieux, et à l’inverse, ils doivent me faire confiance pour que je prenne les meilleures décisions possibles sans tout contrôler. Il s’agit toujours d’une danse entre direction et dialogue.
Est-ce plus difficile ou plus facile pour les femmes ?
ALONDRA : Dans ce métier, peu importe si vous êtes un homme ou une femme. Tout le monde doit composer avec les défis et les conflits. Il faut apprendre à diriger de cette manière. Nous avons tous des traits masculins et féminins en nous.
Mais y a-t-il un « plafond de verre » dans le monde de la musique classique, c’est-à-dire un échelon au-delà duquel il est difficile pour les femmes de continuer à grimper ?
ALONDRA : Oui. Je ne connais aucune femme qui ait connu une carrière d’envergure internationale comme Karajan ou Bernstein.
Vous faites partie des femmes chefs d’orchestre qui ont brisé ce plafond de verre. Que ressentez-vous ?
ALONDRA : Je compare souvent cela à de l’alpinisme. Tout ce qu’on voit, ce sont ses pieds, les rochers devant soi et le pas suivant. On ne regarde pas en bas ni en arrière.
Avez-vous déjà eu le vertige ?
ALONDRA : Pas le vertige. Plutôt un sentiment de solitude. Lorsqu’on se trouve dans une position de leader, on doit savoir prendre des décisions dures et accepter de ne pas toujours être appréciée. Je me sens parfois seule et je trouve cela si difficile qu’il m’arrive de vouloir faire quelque chose de complètement nouveau. Mais, quelques jours plus tard, je suis devant le pupitre et je sens l’énergie des musiciens. Je laisse les sons produire leur effet sur moi et, dans de tels moments, il n’existe aucun autre endroit où je préférerais me trouver.
Vous avez déjà un fils, Luciano, deux ans, et vous attendez maintenant votre deuxième enfant. Comment combinez-vous carrière et vie de famille ?
ALONDRA : Ce n’est pas facile. Mon quotidien est réglé comme une horloge et demande beaucoup de discipline. Mais je pense que cela est bénéfique pour les enfants lorsque leur mère exerce une profession qu’elle aime. Mon fils Luciano aime m’accompagner à une répétition ou un concert. Il voit comme cela me passionne et me rend heureuse. L’amour de mon métier est quelque chose que nous partageons. Nous n’en souffrons pas.
Calendrier des concerts
Alondra de la Parra dirige les meilleurs orchestres, de Paris à Brisbane. Vous trouverez plus d’informations sur ses prochains concerts sur alondradelaparra.com