Barbara Bestor, d’où vous vient l’idée de mettre tant de couleurs ?
BARBARA BESTOR : C’est grâce à mes filles qu’aujourd’hui mes projets débordent à ce point de fantaisie. Avant, je m’en tenais plutôt aux couleurs « masculines » : les tons noirs, blancs, naturels. Aujourd’hui, j’utilise du rose ! Mon rôle de mère m’a ouvert les portes d’un tout nouveau vocabulaire créatif. J’expérimente beaucoup plus.
Vous pensez à vos filles quand vous concevez un projet ?
BARBARA BESTOR : Oui ! Je me demande souvent comment construire un espace où vivent des enfants. Où la famille va-t-elle se retrouver dans cette maison, où les enfants joueront-ils ? Les adultes peuvent-ils voir les enfants, parler avec eux, quand ils sont dans la cuisine ou à l’ordinateur ?
Pensez-vous que les femmes construisent autrement que les hommes ?
BARBARA BESTOR : Non. Pour moi, les rôles attribués à chaque sexe sont un concept social et non une attitude innée. Mais il existe un style que j’appelle plaisamment « architectural » : un design imposant, monumental, avec beaucoup de métal et de bois foncé. Du design de malabar.
Comment décririez-vous votre style aujourd’hui ?
BARBARA BESTOR : Ma devise : on devrait tous les jours être surpris par des choses étrangement belles. Dans chaque maison que je construis, ou dans chaque cuisine que je rénove, on doit pouvoir vivre une expérience spéciale. J’entends par là un détail réjouissant ou inhabituel. Il peut s’agir d’un motif, d’une couleur, d’une fenêtre étonnamment grande. De cette façon, on redécouvre le quotidien et le banal : c’est ma version du célèbre « effet de distanciation ».
Vous avez des liens forts avec la scène musicale et cinématographique...
BARBARA BESTOR : J’adore la culture pop, elle est très importante pour moi. J’essaie de rester au courant, je connais tous les derniers films, toutes les chansons et applications actuelles. L’architecture n’est pertinente que si elle reflète le présent.
Pourquoi si peu de femmes architectes ont-elles autant de succès que vous ?
BARBARA BESTOR : Beaucoup d’anciennes camarades d’études ont fondé une famille vers trente ans. Elles ont opté pour une carrière académique et cessent de construire parce que cela leur facilite la vie.
Vous avez deux enfants de votre premier mariage. Depuis votre mariage, il y a trois ans, avec le cinéaste Tom Stern, vous avez désormais quatre enfants. Comment vous en êtes-vous sortie ?
BARBARA BESTOR : Lorsque j’ai commencé ma carrière, les cabinets d’architecte proposaient surtout des emplois orientés sur le service, pas les grands projets. J’ai rapidement compris que je voudrais avoir mon propre cabinet.
Votre carrière a, paraît-il, également connu un nouvel élan grâce à un « guérisseur » californien…
BARBARA BESTOR : Oui ! (Rires) Quand mon mari m’a quittée, mes amis hippies de Los Angeles m’ont convaincue d’aller consulter ce guérisseur miraculeux. J’étais là avec mes enfants en bas âge et j’étais furieuse contre la vie. Ce « guérisseur » m’a remise debout.
Comment ? Nous voulons tout savoir…
BARBARA BESTOR : Eh bien, il m’a beaucoup questionnée et m’a demandé comment je voyais mon avenir. Je n’avais pas de réponse. Sur le chemin du retour, je me suis perdue et je suis arrivée à cette cabane à vendre dans l’Echo Park. Prise d’une inspiration soudaine, j’ai acheté la maison le lendemain. Elle était dans un état pitoyable. Je l’ai rénovée et agrandie petit à petit, et j’ai ainsi retrouvé mon amour pour l’architecture, qui m’avait abandonnée comme mon mari.
Architecte bohème
Barbara Bestor a grandi à Cambridge, sur la côte Est des États-Unis. Elle a étudié les arts visuels à Harvard et est arrivée à l’école d’architecture de Londres au milieu des années 80. Aujourd’hui, elle vit et travaille à Los Angeles. Elle y a conçu et construit toute une série de restaurants, cafés et bungalows connus. Parmi ses clients figure entre autres Dr. Dre, dont elle a dessiné le siège social « Beats By Dre Headquarters », récompensé en 2015 du National AIA Honor Award for Interior Architecture.