Comment parvenez-vous à rester dans l’air du temps ?
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SOPHIA :
Je me forme continuellement grâce à mes contacts fréquents avec des scientifiques et des entrepreneurs. De nombreuses start-up voient le jour dans l’univers de la science. C’est important, car les résultats des recherches doivent être communiqués au monde, et non rester dans un classeur.
Et vous y contribuez, justement. En tant que business angel, qu’est-ce qui vous motive pour aider les jeunes entreprises à se lancer ?
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SOPHIA :
J’étais parmi les premiers collaborateurs de Spotify. Les fondateurs de la plateforme musicale m’ont confié la direction du marketing mondial. Mon travail consistait à faire connaître la marque à travers le monde. J’ai beaucoup appris pendant cette période. Je sais comment fonder une entreprise, je peux inspirer les autres et je dispose d’un vaste réseau, ce qui me permet de recommander des collaborateurs.
Si vous fondiez une entreprise aujourd’hui, quel serait son domaine ?
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SOPHIA :
L’intelligence artificielle, le changement climatique ou la Femtech.
Que se cache-t-il exactement derrière le terme « Femtech » ?
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SOPHIA :
Ce mot-valise provient des mots anglais « Female Technology » (technologie féminine). Il englobe les produits technologiques et les applications consacrées spécifiquement à la santé et au bien-être des femmes. Les applis de suivi du cycle menstruel en sont un bon exemple aujourd’hui.
Pourquoi ce secteur est-il si florissant ?
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SOPHIA :
Ce n’est que maintenant que nous nous rendons compte à quel point les diagnostics sont différents pour les hommes et les femmes. Nous avons fondé notre système de santé sur le corps masculin et effectué jusqu’ici trop peu de recherches sur le corps féminin. En raison du manque de données, il faut, par exemple, plus de temps pour identifier un infarctus chez une femme que chez un homme.
Comment en est-on arrivé à ce déséquilibre ?
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SOPHIA :
Le corps féminin était considéré comme non pertinent en raison de ses cycles hormonaux. Par ailleurs, jusqu’à présent, 90 % des chercheurs étaient des hommes, qui s’intéressaient manifestement davantage à des sujets qui les concernaient directement. Comment expliquer autrement que le spéculum, un instrument métallique utilisé par les gynécologues pour examiner leurs patientes, n’ait pas évolué depuis 1860 ? Alors que cet objet est désagréable, dur et froid. Rien n’empêcherait de le fabriquer dans un matériau plus chaud et plus souple. Les douleurs abdominales pendant les règles ont elles aussi fait l’objet de très peu de recherches. Mais la situation est en train de changer.
Dans quelle mesure ?
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SOPHIA :
Il existe des start-up qui s’intéressent précisément à ce sujet. Daye, par exemple, fabrique des tampons qui contiennent un antidouleur agissant localement. J’ai investi dans cette idée.
La Femtech est-elle la médecine de l’avenir ?
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SOPHIA :
C’est en tout cas un pas dans cette direction. Je pense que nous nous orientons de plus en plus vers une médecine personnalisée. La start-up Oura, par exemple, a mis au point un anneau à l’intérieur duquel se trouvent des capteurs mesurant nos fonctions corporelles. Cet instrument s’est avéré utile pendant la pandémie de Covid-19 : il permet de vérifier si notre température augmente pendant la nuit et peut ainsi détecter très tôt une éventuelle infection.
Vous êtes une des rares femmes à travailler comme investisseuse.
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SOPHIA :
Seulement 3 % parmi nous sont des femmes. Du coup, trop de start-up se consacrant à des sujets féminins ont du mal à trouver des soutiens financiers.
Comment y remédier ?
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SOPHIA :
Par exemple, en s’assurant que la programmation fasse partie intégrante du cursus scolaire.
Que souhaitez-vous pour l’avenir ?
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SOPHIA :
Plus de femmes qui servent de modèles et un changement dans l’idée que l’on se fait du pouvoir : une femme de trente ans en baskets peut, elle aussi, exercer de l’influence.