Qu’est-ce qui vous a poussée à lancer votre entreprise ? Comment est né votre projet ?
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AGATHE :
« La vie a fait que j’ai rencontré les bonnes personnes qui m’ont donné envie de me lancer ! J’étais chez Orange depuis huit ans où j’étais promise à une grande carrière mais je sentais qu’il faudrait encore un certain nombre d’années avant de pouvoir vraiment donner mon avis et d’accéder au management. C’est la rencontre avec Jean-Baptiste Rudelle de Criteo qui a tout changé. Il avait envie d’aider les entrepreneurs de la French Tech dans une ambiance alliant sport et convivialité, de leur montrer que c’était possible de créer des champions du numérique puisque lui-même avait fait Criteo. J’ai ainsi organisé un premier événement autour du kite surf à Saint-Martin, dans la baie du Galion, en parallèle de mon travail chez Orange. On a extrait les entrepreneurs de leur quotidien en leur permettant de partager sur leur aventure entrepreneuriale pendant trois jours. À la fin du séjour, on s’est rendu compte que c’était formidable de pouvoir passer du temps ensemble et, surtout, que le partage de conseils faisait gagner des mois dans le développement de son entreprise. Ce premier évènement m’a poussée à entreprendre et à lancer The Galion Project. »
Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, comment résumeriez-vous votre entreprise ?
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AGATHE :
« Le pilier du Galion, c’est le réseau de partage entre pairs. Très vite, on s’est rendu compte que le fait de partager des bonnes pratiques était un formidable accélérateur dans le développement de sa start-up. C’est aussi une façon de stimuler l’ambition des entrepreneurs : leur dire qu’il faut voir grand ! On a aussi remarqué qu’il y avait énormément d’expériences, d’expertises qui pouvaient servir à tout l’écosystème de la tech. On a créé notre think tank comprenant de nombreux articles et outils pour guider les entrepreneurs dans le développement de leur entreprise. Nous nous positionnons comme un guide de référence permettant aux entrepreneurs de se situer dans un écosystème en maturité. C’est d’autant plus important qu’il existe peu de littérature en français sur le milieu des start-up. Aujourd’hui, nous avons constitué une bibliothèque avec de nombreux outils comme le Gender agreement qui propose des actions concrètes pour instaurer plus de parité dans sa start-up. Un vrai sujet dans la tech où il y a un manque criant de femmes à tous les niveaux. Ou comment distribuer des actions à tous ses salariés ? Comment développer une politique de responsabilité sociale dans son entreprise, assez tôt et à différents stades de croissance ? Nous avons de formidables outils spécifiques à disposition. »
Depuis quand existe votre entreprise ? Où en êtes-vous aujourd’hui ? Quel est votre next step ?
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AGATHE :
« Nous allons fêter nos sept ans cette année. Pour donner un peu de chiffres, plus de 400 entrepreneurs font partie du réseau aujourd’hui. La grosse nouveauté, c’est la création de notre fonds d’investissement dédié à l’amorçage : Galion.exe. Bien sûr, nous leur proposons de l’argent, soit les premiers 500.000 à 3 millions indispensables pour démarrer, mais nous allons surtout les aider, les mentorer : au début, c’est presque ce qui compte le plus ! Ce fonds d’investissement est le prolongement de notre mission : accompagner l’entrepreneur tout au long de sa vie. Un fondateur de start-up est souvent amené à sortir un peu d’argent à différentes étapes du développement de l’entreprise. Nous avons d’ores et déjà levé 30 millions auprès des membres du Galion, ce qui montre un appétit assez fort de nos entrepreneurs membres. L’objectif est d’atteindre un fonds de 60 à 80 millions d’euros. À plus long terme, mon grand rêve, c’est de faire du Galion un réseau européen. L’idée est de créer des ponts entre les entrepreneurs français, allemands, anglais. Et il faut créer une plateforme européenne pour réussir à arriver un jour au niveau de nos amis américains et chinois. »
Pourquoi avez-vous accepté de participer au programme She’s Mercedes ? Pourquoi est-il important pour vous d’accompagner d’autres entrepreneures ?
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AGATHE :
« She’s Mercedes, c’est tout ce en quoi je crois : l’intelligence collective, le partage entre pairs, le partage d’expériences. J’apprends moi-même beaucoup plus en échangeant avec les autres qu’en lisant des livres. Je crois beaucoup à l’entraide entre pairs. J’y crois si fort que c’est ce que je fais de mon quotidien ! C’est une culture très forte dans la tech et je pense que c’est important que l’on infuse cela un peu partout. Au bout de sept ans d’entreprise, je me sentais vraiment prête et légitime à aller voir des entrepreneurs plus jeunes et les aider. C’est grâce à la transmission qu’on arrivera à créer de belles entreprises. Je pense que tout passe par la rencontre et l’échange. Me convaincre de venir passer deux jours pour la retraite She’s Mercedes a donc été facile… »
Comment envisagez-vous concrètement l’accompagnement avec votre mentee ?
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AGATHE :
« Je pense qu’avant tout, ce sont des regards croisés. Je ne me vois pas comme une mentore mais plutôt dans une relation d’égale à égale avec une femme qui monte un projet. Je pense qu’elle va autant m’apporter que moi je vais lui apporter. Ce que je trouve intéressant, c’est que l’échange avec l’autre permet de poser des mots sur des questionnements et des sujets qu’on se pose, mais qu’on n’arrive pas à toujours à formuler à haute voix. Mon but est de créer cette petite étincelle et lever le voile sur certains sujets tabous et d’en parler ouvertement. Je voudrais identifier ses freins pour qu’elle aille plus loin. J’aimerais stimuler son ambition et, après, je pense qu’il va falloir se donner des actions concrètes à mener ensemble. Peut-être se donner des rendez-vous tous les trimestres pour faire un point ensemble. Parce que, sinon, on a très vite fait de rentrer chez soi et de prendre plein de bonnes résolutions que finalement on n’applique pas. »
Qu’est-ce qui rend le programme She’s Mercedes unique selon vous ?
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AGATHE :
« Pour moi, ce qui rend unique le programme, ce sont déjà ces deux jours, parce que c’est très rare et très précieux dans la vie d’une femme entrepreneure, de pouvoir s’offrir cette parenthèse enchantée d’échanges sur son business. Ce qui me plaît, c’est de pouvoir parler business avec des femmes : c’est quelque chose qu’on fait trop peu. Donc ça, c’est le premier point. Après, il y a aussi la qualité de sélection des mentees. Clémence et Angélique nous ont expliqué comment elles avaient sélectionné leurs mentees. Ensuite, je dirais que c’est la chance qu’on a de pouvoir s’exprimer et de diffuser notre expérience via différents canaux : articles de presse, podcasts, vidéos, … C’est important de rendre toutes ces femmes visibles. Le sujet de la notoriété et de la création de rôle modèle est fondamental pour créer des vocations, surtout dans la Tech ! »
Quel était votre état d’esprit pour cette retraite de 2 jours ? Qu’en attendiez-vous ?
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AGATHE :
« Je suis arrivée dans un état d’esprit enthousiaste à l’idée de rencontrer toutes ces femmes. On aborde plein de sujets, certains assez difficiles, mais on rigole aussi beaucoup et je pense que c’est également important de profiter des bons moments dans la vie. D’autant que c’est assez rare dans le contexte actuel dans lequel nous vivons. J’ai envie de partager au maximum. J’espère avoir un impact sur la vie de ces femmes, leur apporter encore plus de confiance et d’envie d’entreprendre. Et j’espère aussi qu’en sortant, elles auront brisé leur plafond de verre et qu’elles seront complètement opérationnelles pour la nouvelle étape qui les attend. »
Les 4 conseils d’Agathe
- S’entourer de la bonne équipe
« Mon premier conseil, c’est de bien s’entourer. C’est primordial parce que l’entrepreneuriat est très difficile. Il faut choisir le bon associé, le bon investisseur, les bons collaborateurs. On a toujours l’impression qu’on doit aller vite pour pouvoir passer à l’étape d’après. Mais il est essentiel de prendre le temps de bien choisir les gens avec qui l’on travaille. En dehors de sa boîte, un bon équilibre personnel, autant au niveau de la famille qu’au niveau des amis, est aussi important. »
- Intégrer le bon réseau
« Je prêche pour ma paroisse mais il est nécessaire de trouver un réseau dans lequel on est bien et où on peut partager ses problèmes afin de ne pas les ramener chez soi en permanence parce que, sinon, ça peut polluer, voire même mener à un burn-out. Bien sûr, il y a le Galion, très spécifique pour les entrepreneurs de la tech mais, il existe aussi beaucoup de réseaux de femmes, comme SISTA ou Entrepren’Her, même si j’apprécie aussi les réseaux mixtes pour le business. »
- Se fixer des objectifs clairs
« Sans objectifs, une boîte ne va nulle part. Ça parait étonnant mais, au début d’une boîte, on est tellement sur 1000 sujets qu’on ne se pose pas forcément la question des objectifs. On fonce. Il y a un moment où il faut se poser et fixer des objectifs. Avoir une vision, un objectif global et le faire redescendre dans toutes les divisions de l’entreprise tout en prévoyant des points de contrôle. À partir du moment où j’ai eu un coach avec lequel j’ai travaillé sur des objectifs très macro déclinés jusqu’aux objectifs micro, j’ai vu ma boîte passer dans une autre dimension. »
- Travailler sur la confiance en soi
« Ce n’est pas facile de prendre la stature d’une CEO. Le manque de confiance en soi ne doit pas empêcher de se lancer quand on a une idée. J’ai envie de dire aux entrepreneures qui débutent de ne pas s’inquiéter. Aucune de nous n’avait confiance en elle au début ! La confiance en soi, c’est comme un escalier que l’on monte marche après marche, il n’y a pas d’ascenseur ! Ton projet te donne aussi confiance à un moment donné parce que tu l’as chevillé au corps. Il te porte. »