She's | 8 Mar 2020

Gwyneth Paltrow, d’actrice à CEO !

Confidences d’une femmes d’affaires sincère

TEXTE : MAXI LEINKAUF // PHOTOS : ALEX WELSH

Tout en sincérité et autodérision, Gwyneth Paltrow, invitée par la She’s Mercedes Initiative, a participé à un dîner en marge de la conférence South by Southwest. L’actrice américaine a raconté comment elle s’est réinventée en femme d’affaires à succès.

Gwyneth Paltrow, en 2016, vous avez officiellement mais discrètement pris vos fonctions de CEO de Goop. Pourquoi ne l’avez-vous pas annoncé sur tous les toits ?

Eh bien, je n’étais pas sûre d’être à la hauteur. J’ai dû rassembler beaucoup de courage pour franchir ce pas. Je voulais d’abord faire mes preuves avant de rendre la nouvelle publique. Je n’ai pas étudié l’économie, je n’ai même pas terminé mes études. Mon MBA personnel, je l’ai obtenu dans la vie de tous les jours. Selon le concept « c’est en faisant qu’on apprend ». Je continue d’apprendre, d’ailleurs.

 

Vous avez à présent prouvé que vous en étiez capable. Depuis que vous avez pris les rênes, le chiffre d’affaires a doublé.

Triplé.

 

Pardon, triplé ! Vous avez stimulé de façon significative la croissance de l’entreprise. Quelles idées nouvelles ont permis cette évolution ?

Il y en a eu quelques-unes. Un des problèmes était que l’entreprise était à cheval entre L.A. et New York. J’ai dû réveiller en moi l’esprit d’entrepreneuse qui nous animait au début, alors que nous étions à trois autour de la table de la cuisine. Nous avions perdu cet élan, j’ai donc d’abord voulu rassembler tout le monde au même endroit. J’ai aussi dû définir clairement ce que je voulais et quels étaient nos objectifs. L’entreprise manquait de qualités que je qualifierais de masculines. Lorsqu’on fonde une entreprise, elle prend vie à sa façon. Cela a quelque chose de très féminin, même si elle voit le jour grâce à une poignée de mecs dans un garage de la Silicon Valley. La coopération, la passion, la créativité… Ce sont des qualités féminines. À un moment, il faut ajouter les éléments plutôt masculins, tels que la structure, les règles, le personnel.

 

Vous avez toujours imposé votre propre style. Le développement des produits est en grande partie intuitif, partant d’une idée qu’il existe bien un marché pour eux. Ce n’est qu’après que vous analysez la clientèle et cherchez à répondre à une demande sur la base de données concrètes. Dans ce contexte, comment trouve-t-on le bon équilibre ?

De fait, il s’agit d’un exercice d’équilibriste. Pour moi, l’intersection entre les données et l’intuition est sans doute l’aspect le plus intéressant de toute cette activité. Par nature, j’ai beaucoup de flair, je trouve donc tout aussi fascinant de m’intéresser aux données. Parfois, je me sens confortée dans mon orientation, tandis qu’à d’autres moments, elles m’indiquent que je dois prendre une direction opposée. Il existe mille approches différentes, c’est super. Il faut toujours tenter de comprendre qui sont les clientes, d’où elles viennent, ce qu’elles souhaitent, ce qu’elles lisent, ce qu’elles achètent ou non.

 

Je vois que les données vous ont séduites. Parlons un peu de l’aspect financier : pouvez-vous nous parler de vos expériences dans le domaine de la levée de fonds ?

Au début, c’était difficile. J’ai dû trouver de l’argent pour avoir une base et pouvoir constituer une équipe. Il a fallu de nombreuses réunions et il en est ressorti que beaucoup de types voulaient juste prendre un selfie pour le montrer à leur femme. Je crois que, fondamentalement, ce n’est pas facile pour les femmes. En effet, la plupart des investisseurs sont des hommes qui pensent qu’ils n’ont pas besoin d’une entreprise comme la mienne. C’était décourageant. Lorsque mon entreprise a commencé à croître, tout est devenu plus facile.

 

Vous parlez très ouvertement de votre insécurité. C’est inhabituel dans les entreprises masculines et de nombreuses entrepreneuses s’efforcent, elles aussi, de se montrer fortes. Avez-vous peur de dévoiler vos faiblesses ?

Non, cette vulnérabilité fait partie de moi. J’ai été plongée dans cette activité et j’ai pratiquement dû apprendre tout un dictionnaire de termes nouveaux. Parfois, j’ai l’impression d’être la personne la plus bête de toute l’Amérique. Je me souviens d’une réunion où je tapais sur Google des termes de marketing, le téléphone caché sous la table. Et vous savez quoi ? Cela m’est égal. J’ai décidé de tout simplement poser mes questions, même si elles risquent de déranger quelqu’un.

 

Pensez-vous que votre célébrité a eu un effet positif ou négatif sur l’évolution de goop ?

Les deux. Si je n’étais pas Gwyneth Paltrow, je n’aurais pas eu cette plate-forme et personne ne se serait abonné à ma newsletter. Si je n’avais pas déjà été si connue en 2008 et si j’avais simplement écrit de bonnes recettes et des conseils de voyage, aucun article ne serait paru dans le New York Times. Personne n’aurait demandé pourquoi je fais tout cela. Souvent, les gens ne comprennent pas pourquoi les femmes veulent montrer plus d’une facette. Peut-être veulent-elles être maternelles et sexy, drôles et superintelligentes, ou un peu de tout. Beaucoup ne comprennent tout simplement pas que nous sommes plutôt complexes. Les femmes sont vraiment vues à travers un autre prisme. Mais j’essaie juste de ne pas m’en formaliser.

 

Gwyneth et goop

L’actrice a fait de son blog lifestyle une entreprise internationale centrée sur le bien-être, la forme physique et la santé. goop propose une vaste palette de produits, allant des vêtements aux parfums. L’entreprise, dont la valeur a été récemment estimée à 250 millions de dollars, emploie environ 250 personnes et planche actuellement sur une série Netflix.