Imagine | 30 Sep 2020

Le pouvoir d’anticipation de la science-fiction

Quand l’imagination favorise l’innovation

TEXTE : MARIE-SOPHIE MÜLLER // ILLUSTRATIONS : YANNICK DE LA PÊCHE

Les grands fans de Star Trek et autres séries du même type ne sont pas les seuls à avoir cette impression : les inventions révolutionnaires trouvent plus souvent qu’on ne le croit leur origine dans la science-fiction. C’est pour cette raison que de plus en plus d’ingénieurs et de scientifiques ont recours au pouvoir de l’imagination pour chercher de l’inspiration pour les nouvelles technologies.

« Ils ont réussi ! », jubilait William Gibson lors d’une conférence TED organisée en 2015 à Toronto, alors qu’il testait pour la première fois un casque de réalité virtuelle. C’est cet auteur américain de science-fiction qui a inventé, dans son roman Neuromancien (le premier d’une trilogie), paru en 1984, le terme « cyberespace », soit un réseau dans lequel les humains peuvent communiquer entre eux, travailler et vivre. Pour entrer dans cette réalité virtuelle, il faut un casque qui rappelle les lunettes de réalité virtuelle d’aujourd’hui. À l’époque, l’Internet était une notion totalement inconnue de la plupart des gens et la réalité virtuelle n’était guère plus qu’un fantasme de science-fiction. Trente ans plus tard, l’imagination de William Gibson était devenue une réalité technologique.

Des œuvres inspirantes

Les scénarios futuristes de livres et de films imaginés par William Gibson et d’autres auteurs ont fini par se révéler d’une exactitude étonnante. Le voyage dans l’espace décrit par Jules Verne en 1865 dans De la Terre à la Lune présente de nombreux points communs avec la première mission lunaire Apollo 11. Cinq ans avant le premier voyage habité sur la Lune, le capitaine Kirk, dans la série télévisée Star Trek, téléphonait avec un « Communicateur  » qui ressemblait fort aux premiers téléphones portables à clapet. En 2002, le film Minority Report montrait déjà des voitures autonomes et des publicités personnalisées comme nous en voyons aujourd’hui sur les réseaux sociaux. La science-fiction a souvent prédit des technologies révolutionnaires – et aussi inspiré ingénieurs et chercheurs.

 

Consulting via la science-fiction…

Ari Popper croit en cette inspiration. Ce Britannique a fondé SciFutures en 2012. Il s’agit d’une société de consulting pour les entreprises qui propose une approche d’un genre nouveau : « La science-fiction crée des concepts futuristes extraordinaires. Elle est provocante mais visionnaire ; elle se fonde sur la science et les faits », explique Ari Popper. La science-fiction constitue ainsi une source d’inspiration parfaite pour les marques qui veulent se projeter dans un avenir bien à elles. « Dans un premier temps, nous effectuons des recherches sur les faits, puis nous nous en servons comme base pour un atelier », explique Ari Popper. « Ensuite, nous demandons à nos clients de développer leurs propres histoires. »

 

… pour obtenir des prototypes expérimentaux

Sur la base de ces premiers résultats, Ari Popper se tourne ensuite vers un réseau de 300 auteurs de science-fiction. Plusieurs proposent des scénarios futuristes. « Nous encourageons nos clients à se plonger dans ces univers fictifs, à s’imaginer qu’ils sont un personnage de roman avec de vrais espoirs, craintes et besoins. » Enfin, SciFutures met en contact l’entreprise cliente avec des inventeurs et des start-up dans le domaine des technologies. Idéalement, ces échanges aboutissent à de premiers prototypes. « C’est l’étape où des technologies réellement innovantes peuvent voir le jour. »

Parmi ces projets moonshot, le Vision AVTR

Penser en grand et en travers, suivre des idées visionnaires même si elles dépassent les possibilités actuelles. Dans l’industrie, de tels projets s’appellent des « moonshots ». Le Vision AVTR de Mercedes-Benz a été développé selon ces principes mais sans l’aide d’Ari Popper. Le concept-car est inspiré par le film de science-fiction Avatar. Il a été imaginé en transposant les idées principales du film au domaine de la mobilité du futur. D’ici à ce que les sens de l’être humain et les capteurs des véhicules fusionnent, comme le suggère le Vision AVTR, il faudra encore du temps… Mais ces projets sont très stimulants car ils permettent de développer des idées sans se mettre de barrières.

 

Liberté de penser et avenir de la mobilité

Or, cette liberté de penser est particulièrement importante pour l’avenir de la mobilité. Aujourd’hui, de nombreux scientifiques, de nombreuses entreprises, parmi lesquelles Mercedes-Benz, doivent réfléchir de façon nouvelle. La mobilité doit devenir plus sûre, plus neutre climatiquement et plus intelligente. Il y a de plus en plus de systèmes d’assistance pour soutenir le conducteur et « penser » avec lui. Par exemple, l’ASSISTANT Assist de Mercedes-Benz qui analyse la conduite pour détecter les signes de fatigue et recommander au conducteur de faire une pause. Ou encore le système d’info-divertissement MBUX qui communique avec le conducteur via la commande vocale, comme dans la voiture KITT de Michael Knight dans la série télévisée K 2000. Ce véhicule, qui était à l’époque futuriste, semble quarante ans plus tard avoir juste été un prototype visionnaire.

 

La science-fiction pour mieux se préparer

Alors quel rôle joue encore la science-fiction si nous avons de plus en plus l’impression que la réalité rattrape l’imagination ? « Ce qui me motive, c’est de contribuer à ce que nous soyons mieux préparés à des conséquences imprévues et que nous ne nous réveillions pas dans dix ans en remarquant qu’il est trop tard… », confie Ari Popper. En d’autres termes : la science-fiction permet de guider le progrès technologique par la force de l’imagination afin de reconnaître suffisamment tôt ce qui est bon pour nous et quand il est nécessaire de changer d’orientation.